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Presstival : un miroir tendu… mais à qui ?

Samedi 7 juin, la presse romande se donnera rendez-vous pour le Presstival, le 1er festival du journalisme romand. Une journée marathon de conférences, de débats, d’échanges, d’expositions photographiques, de présentations de podcasts et de dessins de presse au Stade de la Gurzelen à Bienne . (Ici l’intégralité du programme)

Pour en savoir plus sur cet événement, Cominmag s’est entretenu avec la responsable de la communication de cet événement : Jessica Monteiro

Organiser un événement est déjà un défi en soi. Réunir une cinquantaine de journalistes, qu’ils soient indépendants ou issus de différentes rédactions, en est un autre. Et proposer un programme aussi riche a dû demander des mois de préparation ?
Pas tant que cela. Nous avons commencé à travailler sur le concept à la fin novembre 2024. Très rapidement, les idées ont convergé et le programme s’est structuré naturellement.

-Cet événement est indépendant de tout groupe de presse, c’est bien cela ?
Oui, tout à fait. Même si certains éditeurs et syndicats professionnels nous soutiennent, Presstival est avant tout une initiative de journalistes. Nous partageons les mêmes réalités, les mêmes inquiétudes et l’envie de réfléchir ensemble à notre avenir. Dans le contexte économique difficile que traversent les médias, il nous a semblé essentiel de créer un espace d’échange libre, ouvert et constructif.

-Peut-on dire que Presstival est un événement à destination des professionnels, donc essentiellement B2B ?
Pas uniquement. Il est crucial que les journalistes puissent se rencontrer, débattre, se soutenir – surtout à une époque où les places de stages disparaissent et où les licenciements se multiplient. Mais il est tout aussi important d’associer le public à cette réflexion. Ce n’est qu’en dialoguant avec les lectrices et les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs, que nous pourrons comprendre leurs attentes et mieux y répondre. Il ne s’agit pas d’un événement réservé à un entre-soi professionnel.

-Comment évaluerez-vous le succès de cette première édition ? Par le nombre de visiteurs ? D’abonnements vendus ?
Nous aurons un espace dédié aux publications, une sorte de bibliothèque vivante, mais notre objectif n’est pas commercial. Presstival n’est pas une foire aux abonnements, c’est une plateforme de dialogue et de réflexion. Pour nous, la réussite de cette journée se mesurera à la qualité des échanges, à la diversité des publics présents, et à la manière dont chacun repartira avec des idées, des pistes ou simplement l’envie d’agir. C’est pourquoi l’entrée est à prix libre : nous voulons que personne ne soit exclu de cette conversation sur l’avenir des médias en Suisse romande.

Pourquoi avoir choisi Bienne comme lieu, et le 7 juin comme date ?
Le choix de Bienne s’est imposé en raison de la disponibilité de son stade, un lieu central et accessible. Quant au 7 juin, c’était l’une des rares dates encore ouvertes dans un calendrier printanier déjà bien chargé. Cela dit, pour les prochaines éditions, rien n’est figé. Nous sommes ouverts à d’autres lieux, d’autres formats. Ce premier Presstival est une impulsion, pas une finalité.

Commentaire de Cominmag : 
Presstival, première édition, est né d’une urgence : celle de réagir face à la fragilisation accélérée des médias en Suisse romande. Perte d’emplois, disparition de titres, précarisation du journalisme indépendant… Autant de symptômes d’un écosystème en déséquilibre profond. La mission de ce festival semble évidente : sauver la profession. Mais cette réponse en appelle une autre, plus dérangeante : sauver de quoi, et pour qui ?

Car si l’objectif est de retisser le lien entre la presse et le public, il faut le reconnaître : l’événement reste positionné du côté des journalistes, pas du lectorat. Il en résulte une forme de repli, certes sincère, mais encore trop centré sur la profession elle-même. À l’heure où une partie croissante de la population ne perçoit plus la valeur des médias traditionnels, peut-on réellement croire qu’un festival de discussions internes suffira à provoquer une prise de conscience collective ? La fracture est culturelle, économique, générationnelle. Il ne s’agit plus seulement de défendre un métier, mais de démontrer pourquoi ce métier est vital à la démocratie.

En cela, la question mérite d’être posée sans détour : une grève des médias, visible, frontale, n’aurait-elle pas été un électrochoc plus puissant ? Une semaine de silence médiatique pour confronter le public à ce qu’il perdrait sans information indépendante. Cela aurait placé la conversation là où elle doit être : dans la rue, dans les foyers, dans les flux numériques.

Presstival a le mérite d’exister, et d’ouvrir un espace d’échange entre professionnels. Mais si son ambition est aussi de « parler au public », alors il lui faudra aller plus loin. Plus qu’un rendez-vous annuel, il doit devenir un mouvement, un cri, une pédagogie. Car aujourd’hui, ce n’est pas seulement le journalisme qui est en danger. C’est l’attention même que le public lui porte.

Victoria Marchand

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