Pub : entre haine et amour
Quand Victoria Marchand a répondu favorablement il y a quelques semaines à ma proposition d’écrire des critiques de livres dans Cominmag, je me suis demandé de quel livre consacré à la communication j’allais pouvoir parler. Il me fallait quelque chose de marquant pour mon premier article. J’avais d’abord pensé à « 100 visual ideas, 1000 great ads » mais j’ai renoncé quand Joe La Pompe m’a dit que Victoria l’avait déjà interviewé lors de la sortie de son livre. Je me suis alors souvenu d’une lecture qui m’avait enthousiasmé l’an passé, celle de Advertising for people who don’t like advertising de Kesselskramer.
Il y a d’abord le titre, provoquant et paradoxal à souhait : pourquoi lire 238 pages sur la publicité si on ne l’aime pas ? N’a-t-on déjà pas assez de raisons de la détester ? Faut-il encore aller chercher chez Kesselskramer, grande petite agence créative néerlandaise, d’autres arguments pour la rejeter ? Vous n’y êtes pas, ce livre est avant tout une extraordinaire déclaration d’amour à la pub mais, vous l’aurez bien compris, pas n’importe laquelle. Celle que certains (et ils ne sont pas nombreux) essaient de faire aujourd’hui, une publicité qui prône la transparence avec des consommateurs de mieux en mieux informés, qui ne prend pas ces mêmes consommateur pour des écervelés mais les traite d’égal à égal (merci la révolution numérique), qui sait qu’elle est une intruse et qu’elle n’a d’autre choix que de se rendre acceptable pour être acceptée. Dans ces nouvelles conditions d’exercice de son métier, la publicité n’a que deux solutions: divertir ou se rendre utile ou même les deux à la fois. Sans cela, elle est condamnée à rester ce qu’elle est dans 90% des cas : invisible. Des millions et des millions investis en vain dans les supports traditionnels, qui peut encore se permettre un tel gâchis dans une période économiquement difficile ? D’où les prises de conscience spectaculaires des plus grands annonceurs, comme Procter & Gamble qui clame haut et fort son souhait d’entretenir une relation personnelle avec chaque ménagère. Advertising for people who don’t like advertising ouvre des pistes de réflexion stimulantes sur ce que pourrait être la communication de demain. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elle ne ressemblera ni à la publicité d’aujourd’hui, ni à la réclame d’hier. Et personne ne s’en plaindra.
Jean-François Fournon
DC de BBDO