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Mots de l’année 2021 en Suisse : iel, Impfdurchbruch, certificato

iel est le mot romand de l’année 2021, suivi de précarité et de variants. La Suisse alémanique a choisi Impfdurchbruch, tandis que la Suisse italophone a couronné certificato. Enfin, en romanche, le mot de l’année est respect

Si le mot de l’année existe en Suisse alémanique depuis 2003, il a fallu attendre 2017 et l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) pour qu’il revête véritablement une dimension nationale, avec un mot romand en 2017, puis un mot en italien en 2018. Enfin, en 2019, le mot de l’année romanche, élu en partenariat avec la Lia Rumantscha, est venu compléter le carré.

Chaque année depuis 2017, un large corpus numérique de textes suisses (Swiss-AL), compilé par les chercheuses et chercheurs de la ZHAW, a permis d’établir une liste de mots particulièrement fréquents en comparaison des années précédentes. Cette liste, ainsi que les propositions du grand public, ont servi de base aux délibérations de chacun des jurys afin de déceler ces mots qui font la Suisse de 2021. C’est ensuite ce même corpus qui a permis de retracer l’évolution récente des mots choisis pour mettre en lumière les réalités dont ils témoignent et même qu’ils construisent.

Le jury francophone se composait de linguistes aux spécialisations diverses, de journalistes, d’enseignants de français, de responsables de communication et d’artistes, multipliant les perspectives : scientifique, pratique, artistique. Le palmarès romand de cette année porte la marque de la pluralité : pluralité des genres, des identités, des opinions mais aussi de la langue française avec iel ; pluralité des problèmes et de leurs solutions avec précarité (estudiantine, cachée, menstruelle…) ; pluralité de la menace sanitaire avec variants.

Mots romands de l’année

Première place : iel

En novembre 2021, le pronom iel faisait une entrée fracassante dans le dictionnaire Le Robert, et avec lui un raz-de-marée de positions et d’émotions de part et d’autre de la frontière franco-suisse. Défini comme un « pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre », il interpelle pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’il est très rare d’assister à la naissance d’un mot-outil. En effet, la catégorie des mots grammaticaux (déterminants, pronoms…) est très peu sujette aux néologismes. Ensuite, ce néologisme grammatical cristallise une réflexion sur la langue française, ses normes et ses usages, qui aura marqué l’année 2021 : nous pensons ici à la simplification de l’orthographe, qui aura fait couler beaucoup d’encre. Par ailleurs, iel traduit un besoin – exprimé notamment par une partie de la jeunesse – de retravailler le rapport entre langue et identité. Ici encore, un signe fort que la langue française vit et se développe avec la société, une société qui évolue. Enfin, iel renferme le paradoxe intrinsèque d’avoir été créé dans l’idée d’inclure tous les individus – et pourtant de diviser et polariser à l’excès. Au regard de toutes les discussions qui l’ont précédé, de celles qu’il a suscitées et de celles qui suivront (par exemple sur l’accord des adjectifs), iel est le mot de l’année car il nous confronte au changement et nous invite au débat.

Deuxième place : précarité

2021 a été doublement marquée par la pandémie : d’une part, les vagues ont continué de se succéder au rythme des infections et des hospitalisations ; d’autre part, les effets de presque deux ans de crise sanitaire se font désormais sentir. Ce sont parfois de légers symptômes, comme une pénurie de gobelets dans une cafétéria, un produit épuisé sur Internet. Mais de plus en plus, il s’agit de personnel soignant éreinté, d’établissements qui mettent la clef sous la porte, de familles dont les revenus s’amenuisent comme une peau de chagrin, de pertes d’emploi, de factures impayées… La précarité s’est installée un peu partout chez nous, accélérée par le COVID 19. Comment faire face à un tel phénomène généralisé ? En le fragmentant, en le nommant précisément. Ainsi, on aura beaucoup parlé de précarité estudiantine, et proposé diverses solutions. On aura aussi découvert la précarité menstruelle, et pris l’initiative de distribuer des protections gratuites dans certains cantons. On dénoncera la précaritécachée, celle qui reste invisible à l’œil nu et dont il faudra redoubler d’efforts pour la déceler. On combattra la précarité psychologique en cherchant le contact et l’échange. En 2021, précarité était donc un mot dénonciateur d’un vaste problème mais aussi porteur d’initiatives et de réponses. En effet, amarré à un adjectif, le mot devient précis et les maux deviennent traitables.

Troisième place : variants

Le pluriel aura distingué 2021 de 2020. En effet, si 2020 était l’année de la pandémie, du COVID-19, de la crise sanitaire, cette année, nous avons compté les variants. Les variants, ce pluriel indomptable qui remet tout en question à grand coups de mutations : vaccins, mesures, frontières, toutes les cartes sont redistribuées à chaque apparition. Les variants, dont les noms ont changé au cours de la crise pour ne pas stigmatiser les pays où ils apparaissent : preuve qu’en 2021, on s’accorde sur le fait que la langue et les mots influencent le cours des choses. Les variants, mot qui résume finalement bien cette année, cousue d’incertitudes, de surprises et d’inconnues, avec pourtant un dénominateur commun. Les variants aussi, dont le pluriel suggère tristement qu’Omicron ne sera pas la dernière lettre de l’alphabet grec que nous apprendrons, et qu’il va falloir désormais vivre avec l’inconnu au coin de la rue…

Victoria Marchand

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