Tendances

Du journalisme comme art de la conversation

Chardon_Elisabeth.gifOn aimerait parfois pouvoir croiser deux conversations tenues à quelques jours de distance.

Un jour là, avec un homme de culture, un programmateur investi et généreux, qui se demande s’il ne serait pas plus utile à l’avancement du monde en s’impliquant plus directement dans la société. S’il ne devrait pas plutôt oeuvrer dans le social ou dans la politique pour  améliorer le sort des gens.

Et puis un autre jour ici, avec un travailleur social justement. Une petite décennie de plus que l’homme de culture, mais qu’importe. Il aime son métier lui aussi. Et pourtant, il se dit las d’essayer de transformer le monde, Il a beaucoup manifesté dans ses jeunes années, il a dormi en prison plutôt que d’apprendre les armes. Il glisse encore dans l’urne des bulletins régulièrement démentis par la majorité. Il dit que c’est aux jeunes de prendre le relais. S’ils veulent…
Il faudrait présenter ces deux hommes. J’y songe bien sûr. Ils auraient sans nul doute beaucoup à échanger sur leurs doutes respectifs. Je suis certaine qu’une fois leur découragement épanché, ils se mobiliseront l’un l’autre. Ils parleront des fins, les trouveront toujours valables, et puis des moyens, et ils réenchanteront ainsi leurs univers respectifs.
Oui, décidément, je vais présenter ces deux hommes. Comme on invite deux amis, autour d’un verre… Chacun peut ainsi organiser des rencontres.

Mais moi, j’ai une chance en plus: présenter les uns aux autres, c’est mon métier. Je suis journaliste. Oui, je pense que c’est une définition comme une autre de ce métier. Ecrire des articles, animer des émissions, c’est aussi faire des présentations. Qu’on parle de faits divers, de programmes politiques, de stratégies économiques ou d’art.

Notre présentation sera plus ou moins neutre, plus ou moins en empathie avec le sujet. Plus ou moins honnête aussi. J’ai toujours la gorge qui se serre et les nerfs à vifs devant la mauvaise foi. Toujours plombante, asphyxiante. Relater l’actualité, sous toutes ces formes, l’éclairer, c’est faire converser le monde. Et c’est une responsabilité d’entretenir au mieux cette conversation. On peut voir cela comme une participation au débat citoyen, comme une saine stimulation de notre société. C’est un pouvoir. Plus subtil que celui dont on caractérise bien hâtivement la presse puisque nous organisons des rencontres qui la plupart du temps nous échappent complètement.

Ainsi, il est parfois de belles histoires. Jean-Baptiste Thierrée, jeune théâtreux décidé, lui aussi, a changé le monde avec ses spectacles – c’était à la fin des années 60 – a-t-il découvert l’existence de Victoria Chaplin et son désir de devenir clown, en lisant le journal. Il l’a rencontrée, ils ont fondé un cirque, se sont mariés, ont eu deux magnifiques enfants qui a leur tour offrent au monde la poésie de leurs spectacles. Il est aussi une histoire toute récente qui circule en Suisse romande d’un père et de sa fille qui auraient enfin fait connaissance à cause d’un article.

elisabeth@cominmag.ch

Journaliste culturel, responsable de Sortir le guide culturel du Temps.

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