Touchez pas aux cochons, réapprovisionnez les rayons et attention aux fausses images !!
Commission Suisse pour la Loyauté: la Première Chambre a tranché sur certains cas frauduleux
La Première Chambre de la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) a jugé 14 plaintes au total lors de sa séance du 11 septembre. Sur ces 14 plaintes, elle en a approuvé quatre et en a rejeté sept, étant précisé que l’une d’entre elles constituait un cas-limite, et qu’un recours a été déposé contre deux d’entre elles. La CSL n’est absolument pas entrée en matière sur deux autres plaintes. Elle a en outre transmis pour examen au plénum une plainte de portée générale. Les thèmes traités allaient de l’influencer marketing aux rayons vides d’un magasin en passant par la promesse d’un grand distributeur jusqu’aux photos trompeuses qui figuraient dans une publicité d’une compagnie aérienne et dans celle d’une société immobilière.
Dans le premier des deux cas relevant de l’influencer marketing, la partie défenderesse a plaidé dans le sens qu’il ne fallait même pas entrer en matière sur la plainte. Selon elle, la CSL ne pourrait pas juger des personnes physiques, et les Règles de la CSL ne définiraient pas concrètement sous quelle forme il faut caractériser un post d’Instagram. En outre, ce post n’aurait eu aucune influence sur le marché suisse, et il n’aurait pas été non plus de nature commerciale. De surcroît, lors d’une interview télévisée, le porte-parole de la CSL aurait condamné à l’avance la partie défenderesse de telle sorte que cette dernière se réserve le droit d’engager d’éventuelles actions judiciaires à son encontre. Le recours ne sera traité qu’en 2020
Malgré ces réserves, la Commission Suisse pour la Loyauté a décidé d’entrer en matière sur la plainte et l’a toutefois rejetée après avoir délibéré de manière approfondie à son propos. Là-dessus, la partie plaignante a formé recours contre cette décision dans les délais impartis; la CSL traitera ce cas au printemps 2020 lors de sa prochaine séance plénière. Au cours des délibérations de la Chambre, la Commission Suisse pour la Loyauté a reconnu que l’intitulé de la Règle B.15 de la CSL «Séparation entre l’information rédactionnelle et la communication commerciale» avait été formulé de manière trop étroite et que, pour cette raison, il donnait lieu à des malentendus. En effet, cette Règle ne porte pas uniquement sur des médias rédactionnels traditionnels comme la radio, la télévision ou les journaux, mais elle concerne au contraire tout type de média qui produit des contenus, qu’il s’agisse de médias hors ligne ou en ligne. La CSL adaptera cet intitulé en conséquence.
Aperçu des autres cas
- Lorsque les photos mentent : dans deux cas, la partie plaignante a senti qu’elle avait été induite en erreur par des photos qui, à son avis, contenaient de fausses indications. Dans le premier cas, il s’agissait d’un passage à une offre de niveau supérieur («upgrade») proposé par une compagnie aérienne. Sur la page d’accueil de son site web, cette compagnie avait représenté visuellement sur la photo une configuration de siège plus confortable pour les vols long courrier, et ce, alors que cette offre n’était valable que pour les vols de courte distance. Dans le deuxième cas, une société immobilière a publié sur son site Internet des photos d’un objet locatif qui ne correspondaient pas à la situation réelle. La compagnie aérienne s’en est tirée à bon compte puisque, dans sa communication, elle avait attiré encore assez clairement l’attention du public sur le fait que son offre n’était disponible que pour les vols long courrier. En revanche, il a été recommandé à l’entreprise immobilière d’utiliser à l’avenir des photos représentant des offres réelles, ou d’attirer de manière suffisamment claire l’attention du public sur le fait qu’il ne s’agit que de prises de vue destinées à servir d’exemples. Se contenter de faire figurer cette situation de fait dans les CGV uniquement au moment de la conclusion du contrat est insuffisant. La plainte a été approuvée.
- Rayons et promesses vides : il a été reproché à un détaillant d’avoir lancé une offre «piège aux alouettes» pour des pizzas en multipacks parce que les rayons correspondants étaient vides pendant deux jours d’affilée dans le même magasin. Mais le commerçant a pu prouver de manière crédible que le vide de ces rayons ne s’expliquait que par le fait qu’ils n’avaient pas été réapprovisionnés assez vite. La plainte a aussi été rejetée parce que la partie plaignante n’avait manifestement pas insisté en posant plusieurs fois la question au sujet de l’absence de ces pizzas dans ce magasin. En revanche, une autre plainte concernant le même détaillant a été approuvée parce qu’il vantait son offre d’huile d’olive avec la promesse publicitaire suivante: «Nous misons sur la production durable à des prix équitables». La Première Chambre était d’avis que, par l’expression de «prix équitable», le destinataire moyen entend un prix qui est supérieur au prix usuel du marché. Malgré des explications détaillées sur la manière dont elle structure ses prix, la partie défenderesse n’est pas parvenue à apporter la preuve suffisante selon laquelle le prix vanté dans sa publicité était véritablement un prix équitable.
- Vous avez dit «cochon»? Dans un article de relations publiques paru dans un média en ligne, la partie plaignante a incriminé l’assertion «Le cochon, cet animal plein de qualités» ainsi que d’autres assertions induisant, selon elle, le public en erreur. Elle n’a toutefois pas pu apporter concrètement la preuve que les indications correspondantes étaient fausses, mais elle a surtout dénoncé la consommation de viande qui, à ses yeux, est trop élevée. Or la Commission Suisse pour la Loyauté se borne à juger si une communication commerciale est licite ou non, et ne porte aucun jugement moral ou éthique sur cette dernière. Ce principe s’appliquait également au cas d’une publicité pour un club érotique que la partie plaignante considère comme sexuellement discriminatoire parce qu’à ses yeux, elle réduit les femmes à leur corps et les représente comme des objets sexuels. Toutefois, de l’avis de la Première Chambre, l’affiche publicitaire en question ne contrevenait pas à la Règle no B.8 de la CSL. D’une part, parce qu’en ce qui concerne la représentation de la femme, il y a lieu d’appliquer aux prestations de services sexuels légales des normes différentes de tout autre type de publicité et, d’autre part, parce que sur cette affiche, les femmes ne sont pas dévêtues et ne sont pas présentées dans une situation discriminatoire.