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Bolero : Le modèle romand n’intéresse personne à Zurich

Depuis le 26 août et le 9 septembre respectivement, les magazines édités par Ringier en Suisse romande, Edelweiss et L’Hebdo Men, ne paraissent plus sous ces titres. Ils s’appellent désormais Bolero et Bolero Men, comme en Suisse alémanique, et sont presque entièrement produits à Zurich. Dommage : le concept d’Edelweiss était plus rentable.

Depuis des années, Bolero perd des lectrices en Suisse alémanique. Jusqu’en 2011, Ringier n’y voyait aucun problème, le CEO Marc Walder déclarant alors à Cominmag qu’avec Bolero (dont le public-cible est l’élite du lectorat féminin), ce n’était pas l’audience qui était « vraiment décisive », le titre réalisant « d’excellentes ventes » sur le marché publicitaire.

Il semble donc que les choses aient changé, car le magazine a perdu plus d’un tiers de son lectorat depuis 2013 (voir tableau), la faute aux nouvelles et jeunes lectrices qui désertent le titre. Le tarif des annonces du « premier magazine haut de gamme suisse consacré à la mode, à la beauté et à la culture » n’a pas bougé, ce qui a fait bondir le coût pour mille lecteurs. Bref, le rapport qualité/prix est devenu de moins en moins intéressant pour les annonceurs. Il est probable que Bolero n’était plus rentable et que la fusion avec le titre romand Edelweiss a donc été une nécessité. Le bureau de presse de Ringier se montre plutôt évasif à ce sujet, se contentant de déclarer que la fusion allait « générer de précieuses synergies, la marque devenant nationale pourrait donc en sortir renforcée ».

Manne zurichoise
Quoi qu’il en soit, l’uniformisation de la marque et du concept était une démarche logique. Ce qui l’est moins, c’est de concentrer globalement le produit et les activités en Suisse alémanique : marque et concept donc, mais aussi rédactrice en chef (Sabine Hanselmann-Diethelm), siège de la rédaction et éditeur (Zurich). Seule la Suisse romande perd des emplois (cinq postes de rédacteurs) rendus superflus par la synergie.

L’ancien rédacteur en chef d’Edelweiss, Alexandre Lanz, a beau avoir été impliqué dans l’élaboration du nouveau concept et autorisé à reprendre dans le nouveau Bolero romand quelques rubriques populaires de son magazine, la mainmise suisse alémanique sur Bolero national a vraiment de quoi surprendre. D’autant plus qu’Edelweiss (que Ringier définit comme étant « LE grand magazine féminin ») s’en sortait bien mieux dans une plus petite région que Bolero sur le grand marché qu’est la Suisse alémanique : le lectorat d’Edelweiss est longtemps demeuré stable, seuls les chiffres actuels accusent un recul prononcé par rapport à 2013. D’ailleurs, l’audience d’Edelweiss était bien plus élevée que celle de Bolero (même en chiffres absolus), la tranche des 14-34 ans en représentant même un quart, le public cible était atteint presque sans pertes de diffusion masculines, les kiosques en vendaient deux fois plus d’exemplaires et le nombre de visiteurs uniques par mois (20 000) représentait lui aussi deux fois plus de consultations en ligne que Bolero. Enfin le magazine romand était bien moins cher, pour les lectrices comme pour les annonceurs.

Dans quelle marque préféreriez-vous investir ?
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L’ancienneté l’emporte sur la réussite
Au vu de ces facteurs, on peut se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux, lors du nouveau lancement, de laisser l’équipe romande et son concept mener la barque ? Ringier voit les choses autrement : « Existant depuis plus de 25 ans, Bolero est une marque établie, largement appréciée par nos clients nationaux et internationaux », selon le bureau de presse. Attendons de voir si le public romand partagera cet avis.

On ne sait toujours pas comment les tarifs de Bolero national vont évoluer. Ringier a seulement annoncé que les prix des abonnements et de la vente au numéro seraient « adaptés » début 2016, de « nouveaux modèles de tarifs » pour les annonces n’étant pas prévus avant l’an prochain. Mais comme les coûts pour mille lecteurs s’envolent de 21% pour les nouveaux numéros de Bolero en raison de la diminution actuelle du lectorat, Ringier écoulera 10 000 exemplaires supplémentaires jusqu’à la fin de l’année afin d’amortir cette envolée. Précisons que le tirage gratuit représentait déjà un tiers (!) du tirage total, du moins pour Bolero Deutschschweiz.

Pour ce qui est du tirage, les deux titres avaient déjà un point commun : une proportion élevée d’abonnements (aussi en comparaison avec d’autres titres) vendus entre 50 et 80% moins chers (dans la catégorie « Autres ventes »). Chez Bolero, cette part représentait un tiers du tirage et elle est d’un cinquième pour Edelweiss. Commentaire du bureau de presse : « Il s’agit d’une méthode courante faisant partie du concept ». Sans donner d’explications plus précises.

Terminons par Bolero Men, le « plus grand magazine masculin suisse à parution régulière », qui sort désormais deux à quatre fois par an avec un tirage de quelque 100 000 exemplaires. Distribué par envoi aux publics cibles, il sera adressé en Suisse romande, comme par le passé, aux abonnés à L’Hebdo.

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Brève floraison de l’Edelweiss en Suisse alémanique

Le premier numéro d’Edelweiss est sorti en 1998. À peine cinq ans plus tard, en février 2003, Ringier en faisait pousser une version suisse alémanique qui n’allait toutefois pas tenir plus de neuf mois. En effet, peu de temps après, Ringier avait pu reprendre à 100 % Bolero dont le groupe média détenait déjà des parts. Edelweiss Deutschschweiz a ensuite été intégré à Bolero. Douze années se sont écoulées et la situation est similaire en Suisse romande. Et Ringier de conclure par une formule lapidaire : « La démarche actuelle a donc toute sa pertinence ».
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