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Une agence, un jour : AMV BBDO London

amvCette agence, désormais la première en Grande-Bretagne, a pris le numérique avec beaucoup de flegme. Pas question d’ouvrir un département digital, jusqu’au jour où British Telecom les a sollicité pour devenir leur Digital Agency… Unique !

Des musées, des bâtiments hospitaliers et une rangée de cinq étoiles, l’artère de Marylebone ne présente pas les mêmes attributs branchés que Soho, Shoreditch ou Dalston, les zones qui se profilent plus que jamais comme les pôles d’attraction incontournables des industries créatives. C’est pourtant là, juste en face du cossu Landmark Hotel, que Abbott Mead Vickers ont décidé d’installer leur agence au milieu des années 80. Une manière d’imposer d’emblée qu’il fallait les considérer dans une catégorie à part. Trente ans plus tard, AMV BBDO honore plus que jamais son rôle de premier de classe dans le paysage de la publicité britannique. Le site de l’agence énumère d’ailleurs avec une certaine fierté les nombreux trophées qui s’amoncellent sur le rebord de la cheminée. Des surfeurs de Guiness à la saga d’un lanceur de Doritos ou le retour improbable de Joan Collins pour Snickers, la trajectoire de l’agence est constellée de campagnes marquantes et elle semble plus que jamais ancrée dans les problématiques actuelles. Comme nous l’explique Ben King, Board Account Director pour Mercedes, cette actualité est le fruit des convergences habiles réalisées entre des modèles traditionnels et les habitudes propres aux nouveaux médias. En 2012, AMV BBDO emploie 430 collaborateurs, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’année précédente, devenant la première agence du pays. Portrait d’une anglaise distinguée qui a su s’adapter aux changements sans jamais perdre son flegme.

Joël Vacheron : Comment votre agence, largement reconnue pour ses spots TV, a-t-elle abordé le virage numérique ?
Ben King : Avant toute chose, notre grande force a toujours résidé dans la qualité des relations que nous entretenons avec nos clients. C’est notre aptitude à comprendre leur philosophie et leurs valeurs qui les poussent à travailler avec nous. Dans la mesure du possible, nous ne faisons pas de distinction entre les différents secteurs. Nous essayons simplement de regrouper sous la même enseigne les personnes les plus à la pointe dans tous les domaines. Lorsque tout le monde essayait de trouver des solutions en matière de stratégie numérique, nous nous sommes entourés de spécialistes qui nous ont surtout aidés à capitaliser les acquis que nous avions déjà. À ce titre, notre intuition qu’il ne fallait pas créer un département spécifiquement destiné au numérique s’est avérée très concluante. Nous ne nous sommes jamais précipités, l’idée était de ne faire que quelques projets le mieux possible. Grâce à nos collaborations avec PepsiCo, The Economist, etc., nous avons réussi à construire des arguments solides sur nos compétences en matière de campagnes numériques. Le moment charnière a eu lieu il y a trois ans quand British Telecom nous a sollicités pour devenir leur Digital Agency. Cela a confirmé que nous pouvions sans complexe nous revendiquer comme un leader du numérique, en plus des champs d’activités traditionnels.

Dans le même temps vous avez réalisé des campagnes très innovantes pour Mercedes ; qu’est-ce qui a motivé ce changement de direction étonnante ?
Ces dernières années, Mercedes était toujours confrontée aux préjugés qui associent ces voitures d’excellente qualité avec un public âgé. Que l’on ait 30, 40 ou 50 ans, il s’agit d’une marque que l’on imagine s’acheter plus tard. En Grande-Bretagne particulièrement, il existe un sentiment que posséder une Mercedes est un signe un brin trop apparent de succès.
La marque a plus souffert de cette situation que ces principaux concurrents, Audi et BMV, qui ont réussi depuis longtemps à toucher un public plus jeune. Il s’agissait par conséquent de trouver un moyen d’intéresser d’autres générations, en rendant notamment la marque beaucoup plus accessible tout en conservant cette idée de prestige. Les médias numériques sont parfaitement adaptés pour procurer ce sentiment de proximité. Toutefois, notre choix a été d’emblée de nous en servir conjointement aux médias traditionnels, en particulier la TV, afin de capitaliser sur un impact encore plus vaste.

Quelle idée avez-vous eue ?
La première campagne transmédia à été lancée il y a deux ans sous le nom de « Escape Thelma ». Le film présente un conducteur qui se retrouve enfermé dans Street View et doit trouver un moyen de revenir dans le monde réel. Lors de sa sortie, le spot était accompagné d’une campagne massive d’affiches, d’annonces dans les journaux, etc. à travers lesquels le conducteur lançait des appels à l’aide. Pour y répondre, il fallait se rendre sur le site et, après une animation de quelques minutes à travers les rues de Hong Kong, il était possible de gagner la voiture utilisée dans le spot. Cela a généré un buzz conséquent, puisque près d’un million de visiteurs ont passé plus de 5 minutes sur le site et les gens ont beaucoup tweeté à propos de la campagne. Tout cela a largement participé à rafraîchir l’image de la marque.

Vous avez récemment réitéré avec une campagne interactive particulièrement originale…
En effet, nous avons continué dans cette direction avec la sortie de la nouvelle A-Class. L’idée était de pousser un peu plus loin le concept afin de toucher un public encore plus jeune, tout en nous inscrivant dans les pratiques de double écran. À l’heure actuelle, les personnes qui regardent la TV sont toujours plus affairées à envoyer des SMS, des tweets ou toute autre forme de messages. En Grande-Bretagne, ce phénomène est notamment extrêmement puissant lors de l’émission hebdomadaire X Factor. Les gens adorent regarder le show et partager en direct leurs impressions à travers les différents réseaux. Il s’agit d’un univers totalement différent de celui de Mercedes et il nous a semblé intéressant de confronter la marque à ces pratiques. Cela s’est matérialisé à travers la campagne #YouDrive qui était spécifiquement destinée à être programmée pendant la finale de X Factor. L’histoire nous permet de suivre le rappeur Kano qui se retrouve dans une course poursuite à bord d’une A-Class après un concert. Là aussi, nous avons largement préparé le terrain en amont grâce aux médias classique. Lors de la diffusion du spot, l’interactivité tenait au fait que les spectateurs étaient invités à tweeter à certains moments clés pour choisir la suite qu’ils souhaitaient donner à la course-poursuite. Il s’agit certainement de la première campagne dont la trame est décidée en direct en fonction des tweets envoyés par les téléspectateurs. L’impact a été énorme, puisque près de 6% de l’ensemble des tweets liés l’émission mentionnaient #youdrive. Le trafic sur le site de Mercedes a été colossal.

C’est un parfait exemple de la nécessité de pouvoir jouer sur plusieurs tableaux…
Oui, cela aurait été difficile, voire même impossible, de réaliser une campagne de cette envergure s’il avait fallu traiter avec plusieurs agences séparément. Il est beaucoup plus fluide de laisser les choix décisionnels à un petit groupe de personnes qui peuvent à tout moments profiter d’un réseau déjà en place pour exécuter leurs choix. Cela constitue un atout essentiel pour atteindre une réelle cohérence et les clients commencent à comprendre l’avantage qu’ils ont de traiter avec un seul interlocuteur.

Avez-vous un autre exemple récent qui illustre cette flexibilité ?
Avant #Youdrive, nous avions déjà réussi à créer à plusieurs reprises des échanges efficaces entre des médias traditionnels et numériques. Par exemple, notre travail pour Walkers a été particulièrement remarqué. La marque avait eu l’occasion de disposer des chips à côté des présentoirs pour sandwiches et il s’agissait de trouver un moyen pour suggérer que les chips permettaient de rendre le sandwich encore meilleur. Nous avons eu l’idée d’inviter quelques personnalités à se rendre dans la petite ville de Sandwich afin d’améliorer le quotidien de cette petite ville insignifiante. Lewis Hamilton ou Jenson Button se sont retrouvés à jouer les chauffeurs de taxi, Frank Lampard a intégré l’équipe de football et Pamela Anderson s’est même retrouvée serveuse dans le pub local ! Pendant quelques jours, plusieurs personnalités se sont ainsi investies dans cette ville avec pour mission de lui donner plus de saveur. Cela a démontré de manière extrêmement concluante comment une bonne campagne TV généraliste permettait d’engendrer des expériences beaucoup plus spécifiques en ligne. Nous avons d’ailleurs gagné le prix « Creative Effectiveness » à Cannes l’an passé. C’est le type de reconnaissance qui nous importe encore plus que les prix de créativité.

Propos recueillis par Joël Vacheron

 

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