CEO, CCO, COO, CFO, etc.

Quand j’ai choisi d’embrasser la belle profession de publicitaire, j’ai le souvenir qu’on appelait encore un chat un chat. Dans ma première agence il y avait un boss, un directeur de création, un comptable et, à la tête de tout ce beau monde, le grand schtroumpf. Et puis la vague de la mondialisation est arrivée avec, entre autres, une invasion de titres aussi ronflants que des créatifs dans une séance de briefing. Pour votre décodeur personnel, je vous livre les principaux, avec la phonétique en bonus.

CEO: Chiffe Exécutive Officère, c’est ainsi que l’on nomme désormais le Manitou Suprême de l’agence. Tout autre façon de l’interpeller relève du crime de lèse majesté, qui risque d’entraîner une disgrâce rapide et peut donner au CEO un excellent prétexte pour sucrer le bonus qu’il n’avait de toutes façons aucune intention de vous accorder.

CCO: Chiffe Créative Officère, le nouveau nom pour Directeur de Création, qui confère à ses longs silences une profondeur de gourou. Avant ça, on déduisait plus simplement qu’il roupillait à moitié après un business lunch bien arrosé.

COO: Chiffe Opératingue Officère, c’est ainsi qu’on désigne maintenant le deuxième boss de l’agence, autrefois surnommé le chameau. Ce titre ne change pas grand chose à la fonction, qui consiste toujours à jouer les interfaces entre le CEO et le reste de l’agence, surtout quand il s’agit de faire passer les pilules amères, d’où peut-être la mention « operating » mais alors sans anesthésie…

Enfin, notre bon vieux comptable est dorénavant gratifié du grade de CFO pour Chiffe Financial Officère. Dans l’absolu, c’est toujours lui qui tient la caisse mais voilà que notre homme ou femme change du tout au tout par la magie de ses nouvelles initiales. Concrètement, les notes de frais qui étaient remboursées en 24 heures avec les tickets de resto deviennent d’une complexité digne de la Cour des Comptes et pas question de revoir son pognon avant un mois.

Autre changement remarquable dans le comportement des grands « C », ils ne font plus une réunion de direction mais un Management Meeting, auréolé de mystère et qui dure deux fois plus longtemps qu’avant. Ca doit tenir à la nouvelle méthode qui a remplacé le brassage d’air par le Wind Moving.

Dernier sujet d’étonnement, cette « titremania » qui avait commencé par atteindre les grosses enseignes internationales se propage même jusque dans les plus petites agences, pour le plus grand bonheur des imprimeurs de cartes de visites. C’est ainsi qu’un mini studio de 6 personnes a aujourd’hui son CEO, son CCO, son COO et son CFO ce qui, vous en conviendrez, fait une belle bande de chiffes.

Je me demande si cette tendance va durer et surtout si les subalternes ne vont pas se mettre à revendiquer des appellations qui mettent mieux leur fonction en valeur. CWO – Chief Welcoming Officer – ça sonne quand même mieux que réceptionniste non ? Faudra que j’en reparle avec ma rédac’ cheffffffe, pardon my Chief Publishing Officer.