Cet art qui rend les voisines attrayantes
Jusqu’au 31 mars, une « Belle voisine » invite les Rhône-Alpins à faire sa connaissance. La dame en question, c’est la Suisse, présentée dans ses atours culturels les plus contemporains par Pro Helvetia, et accueillie par plusieurs dizaines de lieux culturels dans toute la région.
Belle, la voisine, mais pas obligatoirement dormante ni taiseuse. A Lyon, le soir du vernissage de cette vaste série de spectacles, de concerts, d’expositions, de rencontres, les politiciens français, de droite comme de gauche, dans les discours officiels comme dans les discussions autour du buffet, reconnaissaient à la Suisse une longueur d’avance en matière de défrichage culturel. Devant un Pascal Couchepin finalement tout à fait heureux en représentant d’un pays reconnu pour sa culture contemporaine, ils évoquaient la capacité des Helvètes à produire un art vivant et en pointe. Et de se souvenir de leur visite à Expo.02, de Pipilotti Rist, de l’exposition Hirschorn au Centre culturel suisse de Paris…
Tout ce monde sortait d’un spectacle de danse qui, grâce à sa force d’expression, ne nécessitait pas spécialement de codes de lecture préalables, mais qui, par cette même force d’expression, pouvait en déstabiliser plus d’un. Le chorégraphe de « Modify », Thomas Hauert, un Alémanique installé à Bruxelles, est justement un de ceux qui participent activement à donner de la Suisse cette image d’exploratrice culturelle.
Pourtant, ni Thomas Hauert, ni Pipilotti Rist ni Thomas Hirschorn n’ont pour préoccupation première, on s’en doute, d’améliorer l’image de la Suisse à l’étranger. La culture est d’autant plus marquante qu’elle vit sa vie. D’autant plus vivante qu’elle prend des risques.
Marc-Olivier Wahler, le directeur du Palais de Tokyo, à Paris, a l’habitude de parler de l’art contemporain comme d’une hygiène de l’esprit. La définition est stimulante parce qu’elle est valable au niveau de sa production comme de sa fréquentation. Au niveau individuel comme à celui d’une communauté. D’un pays bien sûr, mais peut-être aussi d’un média. Plus que jamais, à l’heure où se développent d’autres circulations de l’information, les journalistes sont en effet appelés à former avec les lecteurs, auditeurs ou spectateurs une communauté interactive. Et l’on se rend compte que ces derniers cherchent dans les espaces culturels que leur offrent les médias bien plus qu’une cerise sur l’indigeste gâteau des news. La culture fait partie de l’actualité à part entière. Dans les médias, là où l’on voit battre le pouls du monde, où l’on assiste à ses arythmies et à ses anévrismes, elle est aussi, indubitablement, un espace de distanciation et de réflexion indispensable et salvateur. L’art, c’est sans doute bon pour l’image, c’est aussi vraiment bon pour la tête.