Tendances

Web 2.0 : Pouvoir en baisse, crédibilité en hausse

Pour le journaliste traditionaliste, la prise de parole par le lecteur est perçue au mieux comme inutile, au pire comme un réflexe populiste coupable.

Dans les faits, dans un monde où personne ne croit en l’objectivité de façade des acteurs de l’information et où la crédibilité de ceux-ci baisse de manière inversement proportionnelle à leurs crispations corporatistes, permettre aux lecteurs de commenter les articles est certes une perte de pouvoir, mais qui s’accompagne automatiquement d’un renforcement de la crédibilité.

En effet, de la cour de récréation aux salles de rédaction en passant par les parlements de toutes tailles, on sait que celui qui connaît son sujet, qui est sûr de ses informations, convaincu de son point de vue, sincère dans sa vision, ne craint pas le débat, ne fuit pas la contradiction et ne se sent pas menacé par l’expression d’avis divergents.

En Suisse, beaucoup de médias, principalement imprimés, commencent à (grande) peine cette réflexion. Alors que les quotidiens d’Edipresse autorisent les commentaires pour certains articles, les internautes se plaignent de censures inexpliquées, billets ou liens supprimés malgré leur total respect des conditions d’utilisations. Plus confiant, 20 Minutes propose l’option de publier des commentaires sur tous ses contenus, sans susciter d’échos de censure. Tous proposent aussi de partager le lien d’un article dans toute une série de plates-formes sociales où l’utilisateur nomme et enrichit librement, sans contrôle possible de l’éditeur, les informations qu’il diffuse.

Du côté des quotidiens de référence, l‘Agefi et Le Temps vivent des problématiques différentes. Alors que l’Agefi, d’abord apprécié dans sa version papier par son lectorat historique, se concentre avec succès sur l’amélioration de la qualité du titre, son site Internet reste très pauvre et n’offre donc aucune fonction de dialogue.

De son côté, Le Temps dispose depuis longtemps d’une bonne plateforme Internet, rénovée en profondeur en janvier 09 sans intégrer les fonctionnalités évoquées ici, à part sur quelques articles précis. Le sujet est connu pour créer de grosses tensions à l’intérieur de la rédaction, toutes en rapport, explicite ou pas, avec la perte de pouvoir induite par ces nouveaux outils. Bien réelle, cette perte de pouvoir s’instaure automatiquement par le dialogue, par le fait que le journaliste et son contradicteur-lecteur se trouvent au même niveau dans le média, à quelques détails de présentation près.

Perdant ainsi sa position dans l’élite, le journaliste perçoit donc ce changement comme un défi à son statut, une volonté de mettre en cause aujourd’hui ce qui était accepté sans autre question hier. Cette perte de contrôle crée pourtant une superbe contrepartie, rendant une part de leur crédibilité perdue aux journalistes. Un plus qui peut entraîner toute une spirale de conséquences positives, partant de la confiance retrouvée pour arriver à une nouvelle conception du rôle du journaliste, moins corporatiste, moins conservatrice, plus curieuse et plus en phase avec la mission réelle du journalisme au sein des démocraties.

clement@cominmag.ch

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