Etude de l’UNIGE : l’identité suisse sent le chocolat
Notre système olfactif reste encore peu étudié d’un point de vue psychologique, surtout en comparaison aux systèmes visuel et auditif. Alors que certains chercheurs considéraient il y a quelques décennies que la perception des odeurs était fortement prédéterminée, d’autres au contraire, voyaient dans celle-ci l’influence de notre environnement et de notre culture. Mais quand est-il de notre identité sociale ? Des psychologues de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de New York, se sont intéressés au système olfactif de l’homme et à ses possibles modulations par cette dernière. Pour ce faire, ils ont choisi la population suisse et le chocolat. Ils ont ainsi pu constater que rendre l’identité helvétique saillante chez des Suisses augmente leur perception de l’intensité de l’odeur du chocolat. Des résultats à lire dans la revue Scientific Reports.
Comment notre identité sociale influence notre perception du monde ?
D’un point de vue olfactif, cela reste très mystérieux. Géraldine Coppin, chercheuse à la Faculté de psychologie et sciences de l’éducation de l’UNIGE, et ses collaborateurs se sont demandés si notre représentation de nous-même au sein d’un groupe social pouvait influencer notre perception olfactive et nous faire sentir différemment certaines odeurs. « Pour notre recherche, nous avons choisi d’étudier l’identité suisse et l’odeur du chocolat, deux éléments fortement associés, et nous avons comparé cette perception à celle de l’odeur du pop corn, un aliment non associé à l’identité suisse », explique Géraldine Coppin. Dès lors, le groupe de Genève, en collaboration avec l’équipe de Jay Van Bavel de l’Université de New York, a analysé si l’identité sociale influence bel et bien l’odorat, à savoir si les nez helvétiques ressentent plus intensément l’odeur du chocolat.
L’importance de l’identité sociale
Pour cette étude, les chercheurs ont constitué quatre groupes d’une vingtaine de personnes, chez lesquelles ils ont rendu une identité sociale particulière saillante, en posant des questions liées à cette identité. Le premier groupe était ainsi formé de participants suisses dont l’identité suisse a été rendue prédominante. Le deuxième groupe, était composé de Suisses dont l’identité personnelle a été rendue saillante. Le troisième groupe était constitué de Suisses chez lesquels les chercheurs n’ont fait ressortir aucune identité sociale particulière et, finalement, le dernier groupe était formé de personnes non Suisses, mais baignés depuis longtemps dans la culture suisse et chez qui les psychologues ont fait ressortir l’identité suisse. Trois dimensions ont ensuite été analysées : le caractère hédonique (à quel point trouvez-vous cette odeur agréable ?), l’intensité (à quel point trouvez-vous cette odeur forte ?) et la familiarité (à quel point trouvez-vous cette odeur familière ?). Les participants ont ensuite été confrontés tour à tour à l’odeur du chocolat et du pop corn, avant et après cette procédure.
Le chocolat et le nez suisse, une histoire intense
La mesure déterminante de cette recherche était l’intensité de l’odeur du chocolat chez les sujets suisses du premier groupe, dont l’identité suisse a été rendue prédominante. En effet, lorsque l’homme est confronté à une odeur, un phénomène d’habituation se met en place : l’odeur devient au fur et à mesure de moins en moins forte, quitte à disparaître totalement. Ce fut le cas chez les trois derniers groupes. Mais chez le premier, la perception olfactive de l’intensité de l’odeur du chocolat n’a que très faiblement diminuée. Ces effets n’étaient pas retrouvés avec l’odeur du pop corn. « Ceci démontre que la perception olfactive est flexible et qu’elle peut être modulée par l’identité sociale. L’identité sociale a ainsi des effets dans des domaines qui étaient jusque là presque inconnus, comme l’odorat ! », ajoute Géraldine Coppin.
Lors de cette étude, seule l’identité sociale a été rendue saillante. Dorénavant, les psychologues imaginent à présent qu’ils pourraient la rendre positive ou négative, afin d’observer si l’odeur du chocolat deviendrait plus ou moins désagréable en conséquence. De même, ils se demandent par quels mécanismes la perception de l’intensité est changée, c’est-à-dire à quel niveau l’identité sociale influence le traitement de l’information. Affaire à suivre.