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#Etude : Les Suisses accusent une fatigue informationnelle

Depuis 2012, le Reuters Institute Digital News Report du Reuters Institute for the Study of Journalism de l’Université d’Oxfordrecense chaque année différents aspects de l’utilisation des médias sur la base d’une enquête représentative menée auprès de la population de plusieurs pays. En 2024, 47 pays de six continents ont été étudiés. La Suisse fait partie de cette enquête depuis 2016 et le fög -Forschungszentrum Öffentlichkeit und Gesellschaft de l’Université de Zurich est le partenaire officiel de coopération. Ce rapport national se concentre sur l’utilisation des médias en Suisse et se veut un complément au Digital News Report.

Les utilisateurs ont des attentes spécifiques vis- à-vis du journalisme. Si ces attentes ne sont pas satisfaites, l’intérêt pour les informations et leur utilisation peuvent diminuer. La recherche internationale nous apprend que de nombreux utilisateurs trouvent important que les journalistes donnent une vue d’ensemble de l’actualité, qu’ils traitent de sujets de société dans les domaines de la politique et de l’économie et qu’ils présentent ainsi différentes positions et perspectives. Les utilisateurs attachent également de l’importance, bien que dans une moindre mesure, au fait que les informations soient utiles au quotidien, c’est-à-dire qu’elles fournissent des informations pratiques. En revanche, ils n’attendent guère des actualités qu’elles soient divertissantes ou qu’elles renforcent les relations entre les utilisateurs. Les données manquent toutefois pour la Suisse. En outre, il n’est pas seulement important de savoir ce que la population attend des actualités, mais aussi de savoir dans quelle mesure elles sont utiles.

Les données de cette étude montrent que la majorité de la population suisse estime qu’il est important que les journaux télévisés la tiennent au courant de l’actualité (69%), l’informent sur différents thèmes et événements (64%), lui offrent différentes perspectives sur des sujets d’actualité (62%) et l’informent sur des thèmes de société (52%). Par ailleurs, les informations pratiques (49%) et les perspectives orientées vers des solutions et porteuses d’espoir (49%) sont également considérées comme importantes. Le caractère divertissant des contenus (43%) et le sentiment de solidarité avec d’autres membres de la société (36%) ont une importance relativement faible.

Une attente pour un journalisme d’opinion
De nombreux utilisateurs suisses estiment que ces attentes sont effectivement satisfaites. Cela vaut en particulier pour les attentes concernant le contenu des informations, l’actualité, la diversité des opinions et la pertinence sociale des nouvelles. Entre 47% et 59% des personnes interrogées sont d’accord pour dire que les informations qu’elles utilisent au quotidien répondent bien à ces attentes. Près des trois quarts d’entre-elles souhaitent se tenir au courant de l’actualité ou être informées sur différents thèmes et événements et voient ces attentes satisfaites par les médias d’information. En revanche, les attentes concernant la diversité des perspectives (60%), la création de sentiments de solidarité (59%) et les reportages orientés vers des solutions et porteurs d’espoir (47%) sont moins satisfaites.

Cela signifie donc que plus de la moitié des personnes qui estiment que le journalisme orienté vers des solutions ou constructif est important ont indiqué que les médias d’information répondent mal ou insuffisamment à cette attente. Cela confirme les résultats de l’annuaire de l’année dernière : le grand besoin de journalisme constructif n’est pas suffisamment couvert en Suisse (Fürst & Rieser, 2023).

Fatigue informationnelle
En Suisse, l’utilisation des informations diminue sensiblement. Non seulement l’utilisation au moins hebdomadaire des informations par les canaux traditionnels baisse de 29 points de pourcentage (PP) depuis 2016 : de 30 PP pour la presse écrite, de 18 PP pour la télévision et de 15 PP pour la radio. Les canaux numériques plus récents connaissent également une baisse de 8 PP : 10 PP pour les médias sociaux depuis 2016, 8 PP pour les sites d’information.

La baisse de la consommation de nouvelles touche tous les groupes d’âge. Même les personnes qui, avec l’âge, conservent leurs modèles d’utilisation habituels et leurs canaux préférés (p. ex. les sites d’information au lieu des journaux) semblent consommer moins d’informations au fil du temps. Par exemple, les personnes âgées d’environ 30 ans en 2016 utilisaient plus souvent les sites d’information (76%) que les personnes âgées d’environ 40 ans aujourd’hui (2024) (66%).

Seuls 26% des Suisses interrogés partagent des informations au cours d’une semaine moyenne, par exemple sur les médias sociaux ou par e-mail, et seuls 13% commentent des informations sur les médias sociaux ou les sites d’information. Ces deux activités ont diminué au cours des dernières années, le partage de 9 PP depuis 2017 et les commentaires de 6 PP.

L’intérêt pour les actualités a également diminué en Suisse sur le long terme. Certes, le recul n’est pas aussi important en Suisse qu’au niveau international et l’intérêt a même légèrement augmenté par rapport à l’année précédente (+2 PP). En 2016, 59% des Suisses se disaient toutefois très intéressés par l’actualité ; en 2024, ils ne sont plus que 48%.

Environ un tiers des Suisses évitent souvent ou parfois les nouvelles – un peu moins que la moyenne nationale (39%). L’une des raisons possibles de l’évitement des nouvelles est le surmenage. La majorité (59%) des « news avoiders », dont surtout des femmes, disent se sentir épuisés par la grande quantité de nouvelles.

De nombreux Suisses estiment que les médias répondent à certaines attentes personnelles : Ils se sentent tenus au courant de l’actualité et informés sur différents sujets. Mais tous les besoins ne sont pas satisfaits. Seule une minorité considère que les médias donnent de l’espoir. C’est un signe du potentiel inexploité d’un journalisme constructif.

Les réseaux sociaux restent des sources d’information
Les canaux numériques s’en sortent un peu mieux que les canaux traditionnels dans un contexte de baisse de l’utilisation des nouvelles et de la participation active aux nouvelles en ligne. Pour près de la moitié des Suisses, les canaux numériques tels que les sites d’information et les médias sociaux sont devenus la principale source d’information – 9 points de pourcentage de plus qu’en 2016. Les canaux traditionnels ne sont pas pour autant insignifiants. Début 2024, environ 50% des personnes interrogées considèrent la télévision (30%), la presse écrite et les médias sociaux comme les plus importants (11%) ou la radio (8%) comme principale source d’information.

Le marché des plateformes connaît aussi des changements. WhatsApp (25%), YouTube (23%) et Facebook (20%) restent certes les principales plateformes pour l’utilisation des actualités. Mais l’utilisation de l’actualité sur YouTube recule quelque peu (-3 PP depuis 2019) et même de manière significative sur Facebook (-12 PP), tandis que les nouvelles plateformes Telegram (5%), TikTok (7%) et Instagram (17%) gagnent en importance. En comparaison internationale, ces « bouleversements » sont toutefois modérés en Suisse.

Les plateformes sont l’endroit préféré des utilisateurs suisses pour les vidéos d’actualité. 60% des Suisses qui regardent des vidéos d’actualité en ligne(et ce sont 78% de toutes les personnes interrogées) le font principalement sur les médias sociaux.

Confiance dans le service public
Au total, 41% des Suisses font confiance à la majorité des médias professionnels. C’est une valeur légèrement supérieure à la moyenne en comparaison internationale, même si la confiance dans les médias a diminué au cours des trois dernières années.

Les Suisses font le plus confiance aux offres d’information de la SRF et de la RTS – et ce indépendamment de l’auto-évaluation politique des personnes interrogées. La SRF et la RTS sont également utilisées – comme d’autres médias à grande portée – par un public politiquement diversifié. Contrairement aux Etats-Unis, on n’observe pas de polarisation du public en Suisse.

En ce qui concerne la question de la confiance, les utilisateurs des médias d’information attachent une importance particulière à la transparence des médias sur la manière dont les informations sont produites (73%). Dans l’ensemble, des normes journalistiques élevées sont également considérées comme particulièrement importantes (68%), tandis que d’autres critères tels que le (déséquilibre) (53%) ou la négativité dans les reportages (35%) ont moins d’importance.

Les Suisses moins prêts à payer pour des news
La disposition à payer pour les nouvelles en ligne a certes augmenté en Suisse, passant de 10% en 2016 à 17% actuellement. En comparaison internationale avec des pays relativement similaires, il s’agit d’une valeur moyenne. Elle est plus élevée que dans les pays voisins Autriche (14%), Allemagne (13%), France (11%) et Italie (10%), mais plus bas que dans les pays nordiques (23%). Depuis trois ans, le nombre de personnes qui ont payé pour des informations en ligne l’année dernière stagne également en Suisse.

Environ un tiers (31%) des utilisateurs suisses prêts à payer dépensent, selon leurs propres indications, au maximum 10 francs par mois pour un abonnement aux informations en ligne, et 14% au maximum 15 francs. De nombreuses personnes paient donc manifestement moins que le prix normal pour les abonnements des entreprises de médias et recourent à des abonnements à prix réduit.

Dans le groupe des non-payeurs, une majorité (57%) continuerait à ne rien dépenser pour les nouvelles en ligne. Une éventuelle disposition à payer existe certes, mais en règle générale pour 10 francs maximum, voire 5 francs par mois seulement.

Crainte vis-à-vis de l’IA
Les Suisses sont préoccupés par l’utilisation de messages produits par l’intelligence artificielle avec un certain contrôle humain. Au total, 53% se sentent (très) mal à l’aise. Les craintes concernent surtout les informations sur la politique, moins les informations sur le sport et les célébrités.

Victoria Marchand

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