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Gestion de projets : Dix pratiques pour atteindre son objectif

Un projet est unique, mais sa gestion relève-t-elle d’un seul chef ? Qui est responsable de l’élimination des contraintes d’un projet ? Jusqu’à quel point la supervision des chefs fait-elle partie de l’équation de la réussite des projets ? Comment atteindre l’équilibre entre contrôle et laisser-faire de la part des dirigeants ? Interrogés à propos de ces questions, des dirigeants témoignent de leurs pratiques et des chefs de projet dévoilent leurs besoins.

Au fil de l’histoire de la gestion de projet, sur diverses tribunes, un consensus s’établit : il est plus difficile de mener un projet que de gérer les opérations courantes d’un secteur d’activité au sein d’une entreprise. La prise de décisions et l’innovation sous contraintes de délai et de ressources accentuent les enjeux du mandat. La nature même du projet appelle une gestion distinctive de la part non seulement du chef de projet mais aussi de son dirigeant au premier plan. Ainsi, le type d’encadrement et le soutien que reçoit le chef de projet font indéniablement partie de l’équation du succès d’un projet.

1.Sur la ligne de départ
Au départ, il importe de présenter le mandat à accomplir de la façon la plus claire possible, puis d’accompagner le chef de projet dans sa gestion de l’incertitude, puisqu’il doit s’engager dans la réalisation du projet sans une « information parfaite ».

• « Le directeur doit être en mesure de transmettre une vision claire et mobilisatrice du projet. En valider la compréhension relève d’une responsabilité partagée entre le chef de projet et son directeur : de part et d’autre, il faut poser des questions et être à l’affût de l’information qui influence le cadre du projet. Une fois que la compréhension mutuelle du “terrain de jeu” est obtenue, le chef est plus à même de mettre en œuvre des stratégies qui lui permettront, à lui et à son équipe, de compter des buts. Le directeur se rend disponible pour agir et soutenir la dimension d’ensemble du projet et évite les pièges de la microgestion. »
Marie-Claude Perrault, présidente de la firme Perspective Communication

Un mandat clair constitue une ressource précieuse, un jalon au sommet d’une cascade d’appropriations. Encore faut-il que la vision d’un projet soit partagée à tous les niveaux pour en assurer le succès.

• « Une fois que j’ai bien cerné moi-même les contours du projet et, surtout, bien compris les livrables et leurs critères de succès, je peux ensuite mandater les chefs de projet avec des cibles claires. Les chefs de projet sauront ajouter de la valeur s’ils ont la bonne information et s’ils sont capables de percevoir la finalité de ce qu’ils font. Bien communiquer les attentes, c’est un facteur clé du succès. »
Tanguy Houndolo, directeur de l’assurance qualité aux Laboratoires KABS

2.L’aide à la navigation
L’employé performant et expérimenté est souvent choisi comme chef de projet, tout particulièrement s’il fait preuve d’habiletés interpersonnelles. Sa réussite individuelle ne peut cependant pas garantir qu’il mènera à bien un projet. Pour cela, il doit apprendre à naviguer en tant que capitaine. Le nouveau chef doit coordonner les efforts collectifs pour répondre aux attentes du client et à celles de son supérieur tout en tenant compte des besoins des membres de l’équipe. Il s’agit là de défis pour lesquels il a besoin d’être guidé afin d’y voir clair.

• « En premier lieu, il faut l’aider à décoder la culture organisationnelle dans laquelle il doit travailler, d’où l’importance de clarifier les attentes à moyen et long terme du partenariat. Le patron doit l’aider à intervenir auprès des parties prenantes, à ouvrir les bonnes portes, tant à l’interne – en sollicitant les autres services – qu’à l’externe. Lui apprendre à manier la matrice des rôles et des responsabilités constitue un outil incontournable pour qu’il puisse en saisir la dimension politique. Concrètement, cela requiert d’identifier avec lui les acteurs et les parties prenantes, de cartographier leur influence sur le projet, pour mieux négocier leur contribution dans un contexte d’ambiguïté. » – Natalie Bertrand, présidente de la société Gestion Mieux-Être

3. Un degré de liberté
Un encadrement défaillant ou l’absence de soutien accordé au chef de projet peuvent expliquer une grande part des échecs observés au fil d’arrivée, soit près de deux projets sur trois. D’où la question du dosage que plusieurs se posent. Comment atteindre l’équilibre ?

• « Il faut lui faire confiance ! Lorsque le projet est bien défini et que les livrables sont clairs, nous pouvons compter sur les talents du chef de projet pour réussir. Il importe aussi d’être à l’écoute de leurs apports et de leurs besoins et de leur donner un feedback régulièrement. » Tanguy Houndolo

• « Oui, c’est important de donner aux chefs de projet de la latitude, une liberté d’action, selon leur expérience et leur degré de développement. Je m’assure cependant qu’ils aient tous les outils pour y arriver. Je dégage des ressources pour les épauler lorsqu’il y a impasse. Je suis donc à l’affût de leurs besoins parce que je connais les points de passage de leur projet. »
François Lafortune, vice-président marketing pour le Groupe Marcelle

En retour, les chefs de projet apprécient leur autonomie, pourvu que des mécanismes de communication leur permettent d’être informés et soutenus dans le cadre de leurs responsabilités. Une faible fréquence de rencontres atténue le lien de confiance et contribue à perdre le fil des projets, de leurs impasses potentielles et de leurs moments critiques.

•« Quelques rencontres formelles par année peuvent suffire à transmettre les progrès réalisés, à partager les soucis, à établir les objectifs et une feuille de route pour les mois à venir. Toutefois, il y a un risque de manque de communication. Le chef de projet le plus fiable et le plus compétent est souvent celui auprès duquel on investit le moins de temps. Par conséquent, le patron peut oublier de le féliciter. Une telle situation contribue à la dégradation de l’engagement du chef de projet, qui peut se sentir délaissé. » – Chadi Daou, ingénieur de production

4. La conduite du changement
Le projet exige des membres de l’équipe et des partenaires au sein de l’entreprise de travailler différemment, d’adopter d’autres moyens de transiger. Les défis du projet se conjuguent avec ceux de l’implantation d’un changement.

• « Un projet apporte un changement dans les habitudes des gens, d’où l’importance d’en saisir les impacts sur les gens et de tenir compte du volet humain dans son déploiement. La gestion de projet n’est pas qu’une méthodologie ou un référentiel. » – Natalie Bertrand

• « Il suffit de l’arrivée d’un nouveau dirigeant pour qu’on détecte une nouvelle dynamique, une nouvelle structure organisationnelle, de nouvelles priorités, etc. Le risque est de se retrouver dépassé par les changements. Il se peut que notre lecture et notre vision du mandat deviennent incohérentes avec celles de la direction. Le soutien du patron se manifeste par la transmission et l’intégration continue du chef de projet dans la ligne directrice de l’organisation. » – Chadi Daou

5. Le choix d’intervenir
Il faut non seulement capter les signaux forts provenant des nouveaux chefs de projet mais aussi savoir interpréter les signaux faibles émis par les chefs expérimentés. C’est tout un art ! L’attention du directeur se porte souvent sur ceux qui sont en difficulté, alors que les performants surnagent et subissent du stress. Qui vous demande de l’aide et qui ne le fait pas ?

• « Quand la situation devient critique, le soutien du patron n’est pas difficile à obtenir. Il suffit de bien communiquer et de discuter de la situation. Toutefois, quand il s’agit de situations importantes mais non critiques, alors le soutien doit être mérité. Souvent, je dois m’assurer de tout faire et de ne demander que le strict minimum à mon patron, seulement ce qui est de son ressort. » – Chadi Daou

6. Le temps, facteur essentiel
Donner du temps au moment où le projet en manque cruellement peut entraîner un second souffle chez ceux qui, sur le terrain, vivent concrètement les difficultés de chacune des étapes du projet. Surtout en fin de parcours, les moments de rencontre entre les différents intervenants du projet ne peuvent faire les frais d’une économie de temps.

• « Quand on manque de temps, la première chose qui saute, c’est le volet relationnel. Nous pensons alors gagner du temps, alors que concrètement, les conséquences nous démontrent que nous en perdons, dans les faits. Le moral des troupes baisse, l’engagement faiblit, les efforts diminuent alors que nous devons passer en haute cadence. Ce genre de calcul est malheureusement fréquent dans les histoires d’échec. » – Sylvain Laliberté, chargé de cours à HEC Montréal

7. Les volets de la reconnaissance
Pourquoi attendre à la toute fin d’un projet pour féliciter le chef de projet et son équipe ? Dès la première étape, il est bénéfique de reconnaître la valeur du chef de projet et, en cours de route, de s’appuyer sur son expertise, puis de souligner ses bonnes pratiques de gestion, les efforts fournis, la satisfaction du client ou encore celle des autres services de l’entreprise.

•« Une partie de mon travail consiste à féliciter, à reconnaître mes responsables de projet. Je suis aussi attentif à rehausser les défis pour ceux qui en désirent davantage. Un signal ne manque pas de m’indiquer qu’un chef de projet est prêt pour un rôle plus stratégique, prêt à passer à la prochaine étape lorsqu’il a l’initiative de proposer des projets plutôt que de seulement les exécuter. » – François Lafortune

•« Devant la complexité de la gestion de projet, le directeur doit s’assurer de prendre le temps de faire un bilan à la suite des mandats et de revenir sur les moments marquants afin d’en dégager des apprentissages, tant pour le gestionnaire que pour lui-même. Finalement, un échange sincère et constructif permettra aussi au directeur de consolider son lien de confiance avec le gestionnaire, et cela facilitera assurément l’encadrement du prochain projet. » – Marie-Claude Perrault

8. Une seconde chance
Ne pas atteindre les résultats visés pèse lourd dans le cheminement de carrière d’un chef de projet. Par ailleurs, il convient d’évaluer de plus près le contexte d’un tel échec. La remise en cause des conditions de réalisation, de la contribution des parties prenantes, des résistances au changement des différents acteurs et du défi d’innovation permet de tracer un tableau global et de repositionner le chef de projet dans l’entreprise.

•« Quelqu’un peut travailler très fort sans répondre aux attentes parce que les contraintes du projet lui font obstacle : il s’agit d’une mauvaise combinaison de circonstances. Par ailleurs, si le chef subit des échecs à répétition, ses chances de demeurer au sein de l’entreprise s’amenuisent, surtout s’il n’arrive pas à rallier les différents services à ses projets. À titre préventif, je m’assure de faciliter la coopération entre les services et d’être présent, voire de structurer les communications au besoin. » – François Lafortune

•« Le directeur doit aussi concrètement faire preuve de courage en affichant une loyauté envers son gestionnaire. Or, certains directeurs font volontairement fi des attaques contre leur gestionnaire pour éviter de nuire à leur propre carrière ou à leur relation avec un acteur du projet. À l’instar d’un paratonnerre, le directeur doit protéger son gestionnaire et communiquer clairement l’idée selon laquelle, lorsque son gestionnaire est attaqué ou remis en question, il l’est lui aussi. Le gestionnaire doit sentir qu’il fait équipe avec son directeur et que son directeur le soutient dans la tempête. » – Marie-Claude Perrault

9. Chez la relève : rechercher la passion
La gestion de projet est devenue incontournable. Qui choisir ? Il n’y a pas de règle absolue : tantôt l’expertise technique, tantôt la capacité de mobiliser une équipe de projet retiendront l’attention de la direction d’une entreprise. Démontrer de la passion et de la persévérance peut constituer un avantage à l’heure du choix.

• « Lorsqu’une personne est passionnée, cela me pousse en retour à vouloir lui donner tout mon soutien. La passion est perceptible dans ses comportements : elle a la volonté de faire avancer les choses et ne se laisse pas abattre ; elle a une certaine résilience dans le temps. Dès la sélection, ce sont des indicateurs repérables dans le curriculum vitæ. En effet, un candidat qui s’est impliqué dans le communautaire et qui a maintenu son engagement de façon soutenue dans le temps se démarque des autres par sa passion… et cela a de bonnes chances de se reproduire au travail. » – François Lafortune

10. Se prémunir
Gérer des chefs de projet requiert de développer une relation de confiance facilitant la communication non seulement dans les bons moments mais surtout dans les plus difficiles. On n’a pas deux fois l’occasion de réussir un projet : apprendre de nos erreurs de parcours est un gage de succès.

•« Finalement, le directeur doit savoir se remettre en question, reconnaître ses limites, toujours chercher à développer et à consolider ses compétences et à mettre en œuvre des stratégies pour éviter les impacts négatifs occasionnés par ses compétences moins développées. Il doit incarner les valeurs qu’il souhaite véhiculer s’il souhaite être un phare pour le projet. » – Marie-Claude Perrault

Article écrit par Monique Benoit est chargée de cours au Département de management de HEC Montréal et paru dans la revue Gestion HEC Montréal avec laquelle Cominmag a désormais un accord d’échange d’articles.

Victoria Marchand

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