Audiences stables pour les gratuits. Surprenant ?
Fin septembre, l’Association Suisse des éditeurs de journaux gratuits (ASEG) a soufflé ses 20 bougies. L’occasion de rencontrer son président Thomas Akermann et d’évoquer avec lui la récente actualité de l’association; ainsi que les nouvelles adhésions et démissions, la discipline interne par rapport aux propres critères de qualité et les lacunes dans le réseau d’adhérents ASEG.
– M. Akermann, il existe au moins une centaine de journaux gratuits plus ou moins importants en Suisse. Quels sont les titres représentés par votre association ?
– Les hebdomadaires parvenant dans toutes les boîtes aux lettres du secteur de distribution et satisfaisant à des critères de qualité définis (voir encadré). De plus, beaucoup de ces journaux sont des parutions traditionnelles ayant un vaste lectorat exclusif attitré, autrement dit étant lues par des personnes non abonnées à un quotidien.
-Au cours des 20 dernières années, l’ASEG a souvent donné l’impression de végéter. Mais en 2007, lorsque les pendulaires 20 minutes, le Matin bleu, News, .ch, Cash daily et Heute/Blick am Abend ont défrayé la chronique, vous avez réactivé l’association. Qu’avez-vous fait depuis ?
– Depuis cette date, nous avons plus que doublé le nombre d’adhérents et lancé sur le marché une formule publicitaire combinée. À l’interne, nous avons organisé des séminaires destinés à optimiser la présence sur Internet. Nous avons également mis en ligne, sur le site www.gratiszeitungen.ch, un calculateur d’offres combinées permettant aux annonceurs d’obtenir rapidement le devis demandé. Enfin, nous avons pratiqué activement un marketing de catégorie et travaillé dans le domaine du « littering ».
– Que reste-t-il à faire ?
– Les résultats de la formule combinée ne sont pas encore satisfaisants. Le volume a certes augmenté et quelques clients nationaux nous ont rejoints, mais il en existe encore un certain nombre à prospecter. Et nous voulons aussi aider nos membres à intensifier leur présence en ligne, en organisant par exemple des jeux intéressant les lecteurs et représentant une connexion idéale entre presse imprimée et en ligne.
– Après la disparition de certains titres (Le Matin bleu, News, .ch et Cash daily), j’ai eu l’impression que l’ASEG retombait dans la torpeur : le projet de combinaison a très peu progressé et aujourd’hui, il a même régressé par rapport à l’an dernier. L’un des membres fondateurs, à savoir Biel-Bienne, a par ailleurs fait défection. Où identifiez-vous les ratés ?
– Personnellement, je regrette le départ de Biel-Bienne. Mais il ne s’agit pas vraiment de ratés. Et encore moins de torpeur. On ne peut jamais satisfaire tout le monde, c’est tout. Ce qui compte, c’est l’expansion globale et la satisfaction générale. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des membres pour voir que nous avons les reins solides !
– Arc Hebdo et le Courrier Neuchâtelois ont eux aussi plié bagage. Les Romands seraient-ils circonspects ?
– Non, comme Jean-Marc Vellmann (GHI) est notre vice-président, nous y sommes bien implantés – et les majors romandes nous ont rejoints. Mais chaque nouvelle adhésion est la bienvenue. Les éditeurs ont toutefois une perception différente de l’importance respective, pour un titre, d’une connexion nationale. Il est en tout cas avéré que nous sommes aujourd’hui plus nombreux.
– Quel est le nombre exact d’adhérents ? L’an dernier, vous communiquiez sur une formule combinée de 21 titres, une information datant d’août 2011 parle de 18 membres, votre site Internet en évoque 19 et une brochure téléchargeable recense seulement 14 membres.
– Cela montre qu’au niveau de la communication intégrée, nous avons encore quelques progrès à faire (il rit). À l’heure actuelle, nous fédérons en tout 20 membres (en comptant deux titres pour Zuger Presse qui paraît à Baar sous le nom de Zugerbieter). Les différences proviennent du fait que le décompte porte parfois sur les titres individuels mais aussi sur le nombre d’éditeurs, AZ Medien étant par exemple pris en compte avec quatre titres et Tamedia avec trois.
– Dans un communiqué récent, vous avez salué la « stabilité extrême » de la diffusion des membres de l’ASEG selon Mach-Basic 2011-2. Sans mentionner toutefois que plusieurs adhérents de l’ASEG ne communiquent plus du tout leur lectorat.
– En tant qu’association, nous encourageons la participation à l’étude REMP consacrée à la pénétration. Et je pense que cela compte aussi dans la diffusion de la formule combinée. Il faut aussi y voir un signe de sérieux nous permettant de nous démarquer par rapport à d’autres concurrents. Mais je ne peux pas l’imposer aux éditeurs.
– Le site de l’ASEG précise que la participation à Mach Basic est impérative pour l’adhésion à l’association.
– C’est exact. Mais jusqu’à présent, les éditeurs ne sont pas unanimes – ce qui n’est pas une raison pour exclure automatiquement un adhérent.
– Mais les journaux renonçant depuis des années à l’enquête sur la pénétration (RhoneZeitung, Rheinzeitung, Baslerstab, Anzeiger Luzern, Bündner Anzeiger) représentent un quart de vos membres.
– Je ne peux que me répéter : la participation est aussi justifiée qu’importante et y renoncer est une erreur. Mais à titre de président de l’association, je ne peux y astreindre personne.
– Vous avez récemment insisté sur le fait que la majorité des membres ASEG de Suisse alémanique n’avaient pas perdu trop de lecteurs par rapport à 2004, demeurant un « support publicitaire stable et durable ». C’est en partie vrai. Mais selon la REMP, la Suisse alémanique a vu sa population linguistiquement assimilée augmenter d’environ 350 000 personnes depuis 2004, ce chiffre étant de 109 000 pour la Romandie. Grâce à la diffusion dans les foyers, les gratuits auraient donc dû connaître une croissance similaire. Pourquoi ont-ils cédé du terrain ?
– (il réfléchit) Ce raisonnement n’est correct que sur le plan théorique. Les secteurs de diffusion ont été en partie réduits en raison de certains changements affectant positionnements et concepts. Mais en comparaison avec d’autres catégories de presse, les titres ASEG ont remarquablement défendu leur territoire. Pendant cette période, de nombreux journaux ont enregistré une baisse sensible du nombre d’abonnés.
– Certains titres ASEG (ceux paraissant à Bâle, Berne, Zurich, Lucerne, Genève et Lausanne par exemple) comptent aujourd’hui entre 20 et 40 000 lecteurs de moins qu’en 2004.
Ces titres ont subi une modification parfois radicale de leur concept : ils ont adapté leur rythme de parution au marché, peaufiné leur profil, limité les secteurs de diffusion et se sont concentrés sur les villes. Leurs résultats ne sont donc pas comparables.
– Sur son site, l’ASEG promet aux clients que « le gratuit permet de ne pas tenir compte de l’autocollant anti-pub [ndt : sur les boîtes à lettres] ». Mais ce n’est exact que pour les titres publiant aussi les informations officielles ?
Sur le plan juridique, nous sommes dans le flou. Mais il est avéré que nous pouvons contourner la mention « Pas de pub SVP ! ». Ce qui est intéressant pour les encarts publicitaires dont les ventes augmentent.
– Parmi les adhérents ASEG, certains titres (Baslerstab par exemple) respectent toutefois les étiquettes anti-pub.
Je suppose qu’il s’agit d’exceptions répondant à la demande de particuliers. De façon générale, comme nous ne devons pas tenir compte de ces étiquettes autocollantes anti-pub, nous sommes donc un partenaire ultra-intéressant pour les annonceurs.
– Le réseau ASEG comporte encore quelques lacunes : en Suisse romande et au Tessin mais aussi à Soleure, en Suisse centrale ou tout autour du lac de Zurich. Pourquoi n’avez-vous jamais réussi à les combler ?
Tout d’abord parce qu’il n’existe pas dans tous ces secteurs des concepts ou des titres comparables et ensuite parce que tous les candidats ne satisfont pas à nos critères. Il n’est absolument pas question de diluer notre positionnement et notre image de marque qui sont clairement définis. Nous voulons être un partenaire sérieux et fiable de l’industrie publicitaire.
– Il vous faudrait alors veiller à faire mieux respecter vos propres critères de qualité – concernant la pénétration, les autocollants anti-pub et le tirage : trois adhérents de l’ASEG (GHI, Lausanne Cités et RheinZeitung) ne font pas certifier leur nombre d’exemplaires.
Les critères sont valides pour tout le monde et nous défendons cette position. Mais si la situation manque de clarté dans un cas précis, nous cherchons à engager le dialogue avant de sévir.
– Quels sont vos objectifs pour les deux ou trois années à venir ?
Il s’agit avant tout de promouvoir la formule combinée, d’en renforcer le positionnement et d’en professionnaliser la diffusion. Ensuite, nous allons intensifier la présence externe des gratuits selon les principes du marketing de catégorie. Et nous sommes actuellement en pourparlers avec des membres potentiels, espérant éliminer ainsi les espaces encore vierges sur notre carte.