Interview du CEO de la SGA
L’arrivée de Tamedia sur le marché suisse de la publicité extérieure semble ne faire ni chaud ni froid à Markus Ehrle, CEO du leader du marché APG|SGA.
La SGA a perdu les appels d’offres publics pour les concessions d’affichage à Genève, Lucerne et dans les transports zurichois et la concurrence s’intensifie sur le marché de l’affichage à Bâle et Zurich. Enfin, son chiffre d’affaires a reculé, pour la première fois depuis longtemps, de 3% au premier semestre 2017. Autrement dit, la prédominance de la SGA en tant que leader du marché suisse de la publicité extérieure, depuis 117 ans, commence à s’effriter. Le CEO doit-il se faire du souci ?
Non, absolument pas. Notre portefeuille est toujours aussi complet et notre part de marché demeure élevée. Les faits que vous évoquez se rapportent aux deux ou trois dernières années, lorsque nous avons effectivement perdu quelques appels d’offres parce qu’il était hors de question de proposer n’importe quel prix. Il faut bien sûr y voir un défi. Mais en comparaison avec les turbulences que j’ai pu rencontrer autrefois dans le secteur de la presse, il n’y a pas de quoi décoiffer la SGA (en riant).
Mais le risque de turbulences est quand même présent… avec par exemple l’arrivée de Tamedia sur le marché de la publicité extérieure, par le biais d’une participation majoritaire à la société genevoise Neo Advertising dont la part de marché ne dépasse pas 5% à ce jour (voir article ci-joint). Cette reprise vous a-t-elle étonné ?
Non, pas vraiment. Comme nous publions régulièrement nos résultats, qui étaient excellents dans le passé, nous savions que d’autres acteurs pouvaient être attirés par l’intéressant marché médiatique qu’est l’Out of Home en Suisse. Et nous savions aussi que Neo Advertising cherchait des investisseurs. La date choisie n’est pas non plus une surprise : Tamedia se focalise sans doute sur l’appel d’offres des Chemins de fer fédéraux (CFF).
La reprise a effectivement été annoncée le 14 juillet, date de clôture de l’appel d’offres lancé par les CFF pour la publicité extérieure et dans les véhicules, et qui est, en volume, la plus grande adjudication suisse. Mais Tamedia/Neo Advertising ne sont sans doute pas les seuls intéressés et il est bien possible que de nouveaux acteurs s’attaquent très bientôt au marché suisse de la publicité extérieure.
Tout à fait. Je pense aussi que Clear Channel Suisse sera parmi les soumissionnaires. Et je sais, par le CEO de Goldbach Michi Frank, qu’ils seront de la partie pour les lots numériques. Sont également intéressés Admeira et la société Live System avec son produit PassengerTV, cette dernière ayant déjà fait une offre à Bâle. Ströer demeure la grande inconnue et peut-être faut-il s’attendre à d’autres surprises. Nous en avons tenu compte dès le départ, et même si nous avions eu plus d’informations, notre offre aurait été la même.
Comment s’explique un tel intérêt suscité par la publicité extérieure en Suisse ?
Il est justifié par les bonnes perspectives, sur le long terme, de la publicité extérieure. Le chiffre d’affaires actuel de la SGA a certes légèrement reculé en Suisse et la pression sur les marges augmente : il faudrait être bien naïf pour croire que les marges réalisées dans le passé seront les mêmes à l’avenir. Cela, la concurrence le sait aussi. Les données brutes fournies par Mediafocus permettent de miser sur la poursuite de la croissance globale du marché de la publicité extérieure, ce qui est déjà un bon atout de départ. Par ailleurs, le numérique et la combinaison avec les supports mobiles représentent un potentiel de croissance. Tout cela explique l’attrait de ce marché.
Tamedia justifie la participation à Neo Advertising par la possibilité de proposer dorénavant à ses annonceurs toute une palette publicitaire : presse, internet, affichage et publicité extérieure numérique. Que pensez-vous de cette argumentation ?
Elle est fondée. Mais l’expérience acquise chez PubliGroupe me laisse penser que regrouper une telle palette de médias comme sur un plateau a tout d’une gageure. Tamedia en est peut-être capable, mais il lui faut au bout du compte une offre homogène. Si l’on considère le portefeuille de Neo Advertising, actuellement focalisé sur Genève et comprenant quelques centres commerciaux dans tout le pays, Tamedia ne peut pas vraiment l’exploiter. Il est donc crucial pour elle d’obtenir une part du gâteau des CFF.
La nouvelle stratégie multimédia de Tamedia pourrait-elle pousser la SGA dans les bras d’Admeira, qui est le distributeur publicitaire de la SSR, de Ringier et de Swisscom ?
Non. Nous avons toujours déclaré être fondamentalement ouverts aux bonnes idées induisant des situations de win-win. Mais jusqu’à présent, personne ne nous a fait de proposition vraiment concrète. De son côté, la SGA pratique une stratégie explicite de pure player dans la publicité hors domicile à laquelle nous rattachons aussi les supports mobiles. Je crois que cette stratégie est plus prometteuse que l’élargissement perpétuel du propre portefeuille.
Le 1er juin 2014, Markus Ehrle était nommé CEO de la SGA après en avoir dirigé, pendant trois ans, les divisions Marketing et Business Development. Après avoir suivi des formations de responsable de la communication et du marketing sanctionnées par des diplômes fédéraux, M. Ehrle a travaillé de nombreuses années chez PubliGroupe SA, où il a notamment occupé les fonctions de Marketing Director, Account Director et CEO adjoint de Publimedia AG. Il était également membre du CA de plusieurs sociétés filiales (en particulier dans le secteur Internet). De 2006 à 2011, il a été responsable de la division Marché publicitaire et Business Development au sein du groupe média NZZ.
La société APG|SGA
En 2016, l’APG|SGA réalisait un chiffre d’affaires global de 317 millions de francs, soit une hausse de 0,6% par rapport à 2015. Mais comme ces deux dernières années les sociétés Clear Channel Suisse et Neo Advertising ont remporté des contrats auparavant adjugés à l’APG|SGA (Genève, Lucerne, société de transports zurichoise), le CA de cette dernière a baissé au 1er semestre 2017 de 3% à 146 millions de francs (le produit net des ventes sur le marché suisse a lui aussi reculé de 3% à 139,9 millions de francs).[/ASIDE]
NOTA BENE : cet article a été écrit avant l’attribution du mandat CFF à la SGA