iPAD : Les dessous de la tablette
Malgré le scepticisme des geeks, le succès commercial de l’iPad est déjà indéniable. Entre nouvelles opportunités de revenus pour les applications existantes et moyen miracle de sauver la presse, la tablette d’Apple ouvre clairement une nouvelle ère de l’Internet nomade.
On a beaucoup dit que l’iPad était un gros iPhone, et c’est vrai. Dès sa prise en main, on est frappé par la transposition de toute la facilité d’utilisation de l’iPhone sur ce nouveau support. Autre surprise, le poids de l’objet, relativement élevé, et sa taille, plus petite que ce que l’on imagine. En plus de ses faiblesses techniques évidentes (pas de caméra, pas de clavier, Wi-Fi only), la tablette à la pomme souffre aussi des mêmes défauts que l’iPhone, mono-tâches et ne lisant pas le Flash, donc donnant un accès réel, intuitif mais toujours partiel au web.
Du point de vue industriel, cela fait longtemps que les professionnels utilisent des tablettes d’accès à l’internet portable, spécifiques à leurs métiers. Avec l’iPad, plus d’un lustre après les « tablettes PC » que HP n’a jamais réussi à populariser, l’ordinateur 100% tactile et sans périphérique arrive enfin dans le grand public, et peut passer de l’esprit des concepteurs de produits à un objet indispensable de la table de salon.
Aujourd’hui, beaucoup de journalistes (qui reprennent les communiqués de presse d’Apple), de directeurs de presse (qui lisent leurs journalistes), ou d’autres membres de l’industrie du contenu (qui croient le buzz dominant du moment, celui-ci comme un autre) pensent que l’iPad va leur permettre de sauver leurs publications imprimées, journaux ou magazines.
Si l’iPad (et les tablettes à venir) font partie de la solution qui sauvera le métier de journaliste et la fonction du média de distributeur d’information « labélisée », l’envoi d’un fichier PDF équivalent à celui d’un imprimeur vers un iPad ne solutionnera aucun des problèmes de la presse. Malheureusement, les applications actuellement proposées par les éditeurs de journaux n’intègrent pas les riches capacités multimédias de la plateforme. Mêmes si une version « journal électronique », type PDF, sur l’iPad reste agréable, cela n’apporte aucune valeur ajoutée par rapport à sa version papier.
Dans ma vision, la navigation de contenu sur une tablette doit créer de la vraie valeur ajoutée, de manière multidimensionnelle et transversale. Multidimensionnelle d’abord, car tous ces médias ont les ressources pour enrichir tous leurs textes de galeries de photos, de vidéos ou encore d’animations; dans plusieurs dimensions aussi, en sortant de l’univers clos des droits détenus par le titre pour mettre en avant des liens pertinents, créateurs de sens, vers d’autres éditeurs de contenus. Transversale également, car une fois arrivé à la fin d’un article, le lecteur sur tablette exigera plus qu’un bouton « retour au sommaire », et ne comprendra pas l’absence d’indices de crédibilité basés sur le succès du contenu, d’arborescence automatique vers des liens connexes indexés ou de fonctions sociales pour commenter, noter et partager ces contenus.
Avec l’iPad, les éditeurs pourront enfin combiner la profondeur de champ unique du texte, la capacité hypnotique des médias audiovisuels et la richesse interactive sans limites du web. Néanmoins, pour ce faire, il faudra avoir conservé son contenu original qui fédère une communauté de lecteurs, maîtrisé la chaîne complète de production multimédia (du texte à la vidéo, en passant par l’interaction) et comprendre l’information comme un produit multiplateforme, interactif et en mouvement perpétuel.
On doute donc que l’iPad puisse sauver les acteurs de presse qui n’ont pas su ou ne sauront pas se sauver eux-mêmes. Il n’est pas encore trop tard pour changer, toutes les compagnies ferroviaires n’ont pas abandonné la vapeur le jour de l’arrivée de la locomotive électrique…