Le coup de la panne
Ce matin, troisième mail de ma chefffffe chérie qui, en style télégraphique, me rappelle que le bouclage de com.in est imminent, que je dois absolument lui passer mon papier et qu’elle me laisse un généreux dernier délai jusqu’à avant-hier. Le hic, chefffffe, c’est que pour cette 22ème chronique je me retrouve totalement en panne d’inspiration. La panne… moment d’angoisse bien connu de mes sœurs et frères publicitaires en face de leur feuille vierge ou de leur écran désespérément blanc. Quoi de plus abominable que ces heures à sécher sur un concept, en relisant et rerelisant un briefing aussi inspirant que le mode d’emploi d’un lave-vaisselle ? Et comme les chercheurs de Pfizer n’ont pas encore réussi à mettre au point le Viagra pour les disfonctionnements érectiles de la courge, chacun se débrouille comme il peut pour cracher une idée avant l’heure fatidique du meeting avec le CD. Ce qui nous amène tout naturellement à un petit tour d’horizon de ces grands moments de solitude du créatif en rade, tard le soir au fond de l’agence.
Le recycleur. Ca fait bien une semaine qu’il ne réussit pas à pondre le moindre truc original. La seule chose qu’il arrive à imaginer, c’est le savon qu’il va se prendre le lendemain en réunion, en bafouillant trois platitudes. Quand soudain, bon sang mais c’est bien sûr, il se souvient vaguement d’une idée qu’il avait eue il y a quelques années pour cette lessive liquide. Et voilà comment, en bidouillant un peu, le blanc plus clair du linge devient le noir plus sombre du café.
Le pompeur. Encore plus tard dans la nuit, l’horloge du Mac rappelle cruellement qu’il ne reste plus que 4 heures (retour maison et douche compris) avant la disgrâce. A ce stade, pas d’hésitation, c’est plan panique sur Google pour trouver si une agence thaïlandaise a fait une bonne campagne café. Un gros soupir de soulagement plus tard, une idée potable est pompée et transformée en campagne propre en ordre bien de chez nous. Mieux encore, certains de ces copiés-collés se retrouvent au palmarès de l’ADC…
L’explorateur. Rien à recycler, rien à pomper ? Reste plus qu’à aller découvrir en douce ce que les petits camarades des autres teams ont pu faire pour recevoir les félicitations du CD. La tactique consiste à changer suffisamment les mots et les images du concept des copains, pour que la version détournée n’ait plus qu’un vague air de famille avec l’original. Tout le talent consiste ensuite à prendre une expression de total étonnement en réunion et à s’exclamer sur un ton le plus franc possible: « C’est dingue, j’ai une idée qui ressemble pas mal à la vôtre… forcément, avec un brief aussi nul on se retrouve sur les mêmes pistes… »
Le nimportequoiteur. Etat extrême de celle ou celui qui n’a rien mais vraiment rien trouvé. En désespoir de cause, à 15 minutes du meeting, il lâche n’importe quelle nazerie sur le papier sans aucun rapport avec le brief ni même le produit. 9 fois sur 10 ça se termine avec l’humiliation prévue et redoutée mais parfois, ô surprise, il y a quelqu’un pour s’extasier devant le décalage extraordinaire et le saut créatif génial de ce qui était une grosse bouse il n’y a même pas une demi-heure.
Mais je cause, je cause et tout ça ne me dit pas qu’est-ce que je vais bien pouvoir vous raconter ce mois…