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Une agence, un jour : LG2 à Montréal

Penser comme une marque et agir comme un détaillant, telle est la devise de cette agence de publicité créée voici 21 ans dont les clients sont autant québécois que canadiens. Un positionnement local et national qui n’était pas gagné d’avance…

En ce mois de mai 2012, Montréal vit au rythme de la Révolution d’Erable. Après la Révolution Tranquille qui avait, au début des années 60, laïcisé et conscientisé la société québécoise, l’annonce de l’augmentation des taxes estudiantines de 85% a fait descendre les jeunes dans la rue. Avec plus de 15 semaines de manifestations quotidiennes et une loi d’exception promulguée par le Premier Ministre du Québec, la tension dans cette région francophone du Canada est à son comble. Pour épauler les étudiants c’est toute la société québécoise qui laisse échapper son mécontentement, casseroles à l’appui, envers un Etat Providence qui pour faire face à la réalité économique propose des remèdes ultra-libéraux. Que Montréal soit à l’épicentre de la contestation n’est pas un hasard.

Cette ville de plus de 1,9 million d’habitants est bien le poumon économique de la Belle Province aux 8 millions de ressortissants qui font face à 33,5 millions de Canadiens anglophones et à 313 millions de Nord Américains. Pour survivre dans un tel rapport de force, le français est devenu une arme et un bouclier. Pas question de placer un mot en anglais, ici on traduit tout et lorsque les mots n’existent pas et bien on les crée. C’est ainsi qu’un « cloud » informatique devient une « information nuagique », un Smartphone « un téléphone intelligent » ou faire du shopping du « magasinage », etc.. Cette défense inconditionnelle de la langue française est également à l’origine de l’industrie publicitaire montréalaise. Traditionnellement la publicité était conçue à Toronto puis on la traduisait pour le marché québécois. Lassés par ces adaptations, des créatifs ont eu l’idée de faire des campagnes à la sauce québécoise. Immédiatement le public a suivi, donnant ainsi naissance à des agences locales.

LG2 : 3575 bd St-Laurent
Créée en 1991, cette agence est une des plus ancienne de la place montréalaise qui emploie, avec son antenne à Québec, 175 collaborateurs. Agence de publicité traditionnelle, LG2 s’est adaptée aux médias digitaux au même rythme que ses clients. « Notre travail consiste à trouver des idées au service des affaires de nos mandants, relève Mathiez Roy, vice-président, directeur général de l’agence. Au Québec, la télévision reste le média roi. Certains programmes réunissent 50 % de parts de marché. Ce qui explique pourquoi face à nos voisins, nous sommes en retard sur le numérique. Toutefois cela ne nous exonère nullement d’être présent sur le web et les réseaux sociaux. Mais pour l’instant cette approche vient en complément des médias traditionnels. »
Avec des clients comme la banque associative Desjardins, la compagnie de téléphone canadienne Bell, les grillotines Krispy Kernels, la chaîne de distribution Familiprix, etc… on comprend mieux le slogan de l’agence : penser comme une marque et agir comme un détaillant. « Une agence de publicité doit apporter une aide concrète à ses clients. S’ils prospèrent, nous grandissons avec eux. » Un point d’honneur pour Mathieu Roy pour qui la fidélité de ses clients (en moyenne 10 ans) est sa meilleure récompense. « Au fil des années, nous avons réussi à gagner des budgets nationaux et désormais notre portefeuille comprend 70% d’entreprises du Québec et 30% de sociétés canadiennes. »

Mais pas question de se contenter de les traduire. Marc Fortin, vice-président et directeur de création, est formel. « Le Canada est un vaste pays avec des particularités régionales très fortes. On peut parfaitement concevoir une campagne nationale, mais elle doit être toujours accompagnée par des opérations régionales adaptées à ces différences. On ne saurait se contenter d’un copier-coller. » La ville de Montréal est également un casse-tête pour les publicitaires car 800’000 personnes y sont strictement anglophones. Elles ont leurs propres médias et ne veulent entendre parler de traductions. « D’où l’importance d’arriver avec une idée forte. »

Pour la trouver, l’équipe créative est multidisciplinaire et multimédia. « La concentration des entreprises, les difficultés économiques nous obligent à ne plus considérer que la publicité est la seule réponse possible. Dans le cas de la Société de sauvetage qui sponsorisait la semaine nationale de prévention de la noyade, nous avons imaginé un buzz durant la conférence de presse. Alors que les responsables parlaient aux médias, en arrière-plan sur un lac apparaissaient des formes de cadavres. La couverture médiatique a été excellente et a permis de lancer une campagne à moindre prix. Pour le département assurance de Desjardins, un jeu de stationnement sur mesure a été créé à l’occasion du Salon de l’Auto de Montréal. Le public pouvait jouer sur le stand sur un écran géant via une tablette. Et l’on pouvait défier ses amis en ligne grâce à une application mobile. « C’est parce que nous sommes intéressés aux objectifs commerciaux de nos clients que nous sommes neutres en matière de médias. »

Mais est-ce facile de trouver à Montréal des créatifs capables sur des supports traditionnels et digitaux ? « Nos employés sont principalement des locaux. Avant lorsque l’on sortait d’une école de graphisme on était immédiatement opérationnel. Aujourd’hui, nous devons tous nous former à l’interne car ceux qui viennent du web ne connaissent pas le branding et vice-versa. C’est ce que nous appelons ici la créativité responsable. »

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