Monitoring des médias 2024 : les Suisses commencent à se détourner des réseaux sociaux!
L’étude de Publicom pour l’OFCOM examine depuis 2013 l’utilisation et la performance de communication qualitative des marques médias en Suisse. Cette étude intermédia annuelle se penche sur l’influence sur l’opinion de 181 marques de médias et dix groupes de médias du marché national, des trois marchés spécifiques aux régions linguistiques et de 14 marchés régionaux locaux, faisant état des enchevêtrements des entreprises et des rapports de force économiques sur le marché des médias suisses. Cinq marques en ligne régionales ont été ajoutées à l’échantillon de l’étude en 2023; aucune marque n’a été retirée de la période sous revue.
Afin de déterminer l’influence sur l’opinion, les consommatrices et consommateurs de médias ont analysé les performances des marques en tant que médias d’information dans le cadre d’une enquête représentative de la population. Cette évaluation qualitative est combinée aux performances de contact quotidiennes des différentes offres qui proviennent des études officielles suisses sur les taux de pénétration pour la TV, la radio et le média print et par des enquêtes et extrapolations propres pour les médias en ligne et les réseaux sociaux. On obtient ainsi un indicateur de l’influence sur l’opinion révélant le potentiel relatif des marques de médias à déployer une force formatrice de l’opinion.
Baisse de la confiance
En 2023, l’influence sur l’opinion cumulée de toutes les marques analysées dans le Monitoring médias Suisse baisse pour la troisième année consécutive. La régression de deux points de pourcentage est quelque peu moins importante que celle des deux années précédentes. L’effet de cette érosion continue de l’attention que porte la population suisse aux médias en tant que sources d’information se reflète dans les chiffres, qui sont revenus en 2023 au niveau d’avant la pandémie de coronavirus.
En 2023, quelques changements peuvent être observés quant aux marques de médias les plus influentes et les plus largement diffusées, bien que ceux-ci ne marquent pas de tendance claire. Instagram prend de l’ampleur, ce qui signifie que, pour la première fois, deux marques de réseaux sociaux, à savoir YouTube et Instagram (derrière 20 minutes), font partie des trois offres les plus influentes sur l’opinion à l’échelle nationale. Outre TikTok, dont l’ascension a été nettement freinée, les premières chaînes TV du groupe SRG SSR (SRF 1, RTS 1 et RSI LA 1) ont progressé relativement fortement. À l’inverse, une part importante des principales marques de médias des 18 espaces sous revue accuse un recul. C’est par exemple le cas de Facebook, la Neue Zürcher Zeitung, LaRegione, La 1ère, le Tages-Anzeiger, watson ou SRF 2.
Faible concentration du marché
La diversité des marques de médias ne garantissant pas à elle seule la diversité d’opinions ou des contenus, l’examen de la concentration sur la base d’offres individuelles est trop limité. En effet, les plus grandes combinaisons de marques, qui s’organisent en général en une rédaction centrale pour les contenus suprarégionaux ou en une construction similaire, peuvent, si elles exploitent fortement les potentiels de combinaison, mobiliser une grande influence sur l’opinion qui dépasse de loin les marques individuelles.
Le marché des médias suisses compte 10 grands groupes de médias à côté de nombreux autres fournisseurs. La plus grande influence sur l’opinion est clairement exercée par SRG SSR, avec une part de 28%. TX Group, le numéro 2, atteint une valeur indexée moitié moindre (14%). L’influence cumulée des deux plus grands groupes de médias est donc exactement la même qu’en 2022. Suivent le groupe de médias suisse alémanique CH Media avec 10%, le groupe américain Meta avec 8% du marché national des opinions et Ringier avec 5%. Les autres groupes (NZZ-Mediengruppe, AZ Medien, Gruppo Corriere del Ticino, Somedia et ESH Médias) ont encore des parts nettement inférieures. Les 10 plus grandes entreprises contrôlent ensemble 105 des 181 marques analysées dans le Monitoring médias Suisse, les 76 restantes appartiennent à des propriétaires divers. À l’instar des systèmes de marques, les sociétés de médias peuvent également nuire à la diversité d’opinions. Outre la production centralisée de contenus, il existe le risque que les groupes imposent des directives rédactionnelles communes à l’ensemble de l’offre, afin de favoriser, par exemple, une orientation et une tonalité particulières dans les reportages.
La plupart du temps, le degré de concentration absolu ne suscite pas d’inquiétude, car 12 des 18 espaces sous revue sont faiblement concentrés, même en ce qui concerne les groupes. Depuis 2022, la concentration du marché a diminué dans la moitié des régions étudiées. Au total, six espaces médias dépassent la limite des 1500 points et sont donc considérés comme modérément concentrés, mais de manière marginale dans la plupart des cas. La concentration du marché est la plus forte dans l’espace médias Bern avec 1611 points. Seuls Graubünden et la Zentralschweiz franchissent cette limite de façon plus marquée. Dans les Hochalpen, la situation s’est encore édulcorée après une baisse supplémentaire. Dans ces régions, on constate une concentration d’influence plus marquée des deux plus grands groupes (SRG SSR et TX Group/CH Media). La part des marques de médias indépendantes est faible en comparaison, ce qui tend à favoriser la concentration du marché.
Influence : l’attrait pour les réseaux sociaux en baisse
Pour la première fois depuis le début des mesures, le type le plus fort, à savoir les médias en ligne, subit un fort recul de son influence sur l’opinion. De plus, les réseaux sociaux stagnent en comparaison annuelle et perdent du terrain, en particulier en Suisse romande. La TV, qui prend de l’ampleur dans presque toutes les régions, peut profiter de cette situation. Même les médias print augmentent légèrement leur part de l’influence sur l’opinion, une première dans le Monitoring médias. Il semblerait donc que la tendance de longue date de se tourner vers des médias numériques récents perde un peu de vitesse en 2023. En ce qui concerne la TV et les réseaux sociaux, des signes montrent que la structure de la pyramide des âges est légèrement moins abrupte. En d’autres termes, les différences entre les générations sont moins marquées dans la tendance. Toutefois, ces tendances doivent encore se confirmer dans les prochaines années. L’observation selon laquelle des parts de plus en plus grandes des principaux marchés d’opinions s’éloignent du champ d’action direct de l’aide suisse aux médias a tout au plus été atténuée, et non pas résolue.