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Interview : Serge Reymond prend la direction du marché lecteur chez Tamedia

A l’occasion de la publication des résultats semestriels, le groupe Tamedia en a profité pour annoncer une réorganisation interne. Le 1er janvier 2017 au plus tard, Marcel Kohler, directeur général du pôle 20Minuten-20minutes, prendra la tête du nouveau secteur « Publicité & Médias pendulaires » et Serge Reymond, directeur général de Tamedia Publications Romandes, sera en charge du nouveau secteur « Médias payants ».

Serge Reymond, chez Tamedia les titres ont toujours été indépendants tant dans leur ligne éditoriale que commerciale. Cette nouvelle organisation se veut plus intégrée et plus nationale. Un peu à la manière du modèle Edipresse ?
Il est vrai que chez Edipresse, puis Tamedia Publications romandes, le portefeuille des marques est géré de manière coordonnée, alors que chez Tamedia, les marques sont concurrentes entre elles. Toute organisation a ses avantages et ses inconvénients, le but doit être de toujours rester en phase avec le marché. Or, depuis 3 ou 4 ans, nous avons constaté que les annonceurs souhaitaient de plus en plus pouvoir compter sur des offres globales et surtout échanger avec un interlocuteur unique capable de concevoir un plan média pour l’intégralité de l’offre.

Quelles synergies envisagez-vous pour le marché lecteur ?
Elles se feront principalement au niveau du numérique. Le développement de sites responsives, d’applications mobiles natives, de l’installation de paywalls, tout cela implique d’importants investissements financiers. Nous avons tout intérêt à mutualiser nos ressources et nos expériences et savoir-faire.

Pourquoi attendre 2017, il vous faut un an et demi pour tout réorganiser ?
Nous menons des réflexions depuis plus d’une année en impliquant les responsables commerciaux et nous nous sommes rendus compte qu’il était possible de travailler de manière plus agile et plus transversale. Mais ce changement de paradigme implique au sein de l’entreprise des changements de culture et d’organisation qui ne peuvent se faire dans l’urgence. Notre objectif est d’être prêts au plus tard début 2017. D’où notre annonce un an et demi avant cette date butoir afin d’informer le marché et de pouvoir impliquer nos collaborateurs dans cette mise en œuvre qu’il faut particulièrement soigner

Pourtant Tamedia Publications romandes fonctionne déjà ainsi…
Effectivement, et il en va de même chez 20 Minutes. C’est le reste du groupe qui va adopter cette nouvelle manière de travailler. Concrètement, il s’agit plus d’un changement d’échelle que de structure.

Vous aviez déjà la responsabilité des magazines du groupe, dès 2017 vous serez à la tête de tous les titres. Une belle promotion.
Je reprends effectivement tout le marché lecteur, la gestion et le développement de toutes les marques et de toutes les rédactions. La preuve qu’il n’y a pas de clivage entre Suisse romande et la Suisse alémanique, mais un enrichissement mutuel entre les différentes parties du groupe Tamedia.

Serez-vous également responsable du contenu éditorial ?
Comme je le fais déjà en Suisse romande et pour les magazines à Zurich, je serai responsable de la direction opérationnelle des rédactions. Les rédactrices et rédacteurs en chef assurent la production du contenu de manière indépendante. Et Pietro Supino, comme éditeur, est le garant de la politique éditoriale.

Le digital sera par conséquent intégré aux titres. Exact ?
Le développement numérique des marques éditoriales sera de mon ressort pour ce qui touche à la forme, au contenu et à la relation commerciale avec les lecteurs. Quant à Marcel Kohler, il sera responsable du développement des revenus publicitaires.

Début 2015, vous aviez déjà revu l’organisation commerciale de Tamedia Publications romandes. Etait-ce déjà en prévision de ces changements ?
Suite au départ de Jean-Paul Schwindt, je n’ai pas repourvu son poste mais j’ai nommé Thierry Furrer responsable du marché annonceurs et ai confirmé Karim Mahjoub dans sa responsabilité du marché lecteurs. En 2017, Thierry Furrer sera rattaché à Marcel Kohler, et Karim Mahjoub continuera à travailler en direct avec moi.

Pour en revenir à Marcel Kohler, sa nomination signifie-t-elle que le modèle commercial de 20minutes va devenir la règle ? En d’autres termes, Tamedia s’ouvre-t-il au content marketing pour les titres ?
Il n’y a pas de modèle unique et chaque marque agit de manière indépendante. Par contre, nous avons des règles très claires au sein du groupe qui s’appliquent à toutes les marques. Il ne faut jamais transiger sur la qualité, et nous devons rester constamment vigilant quant à notre offre éditoriale.

MACH Basic est désormais inséparable de Total Audience. Quelle est pour vous l’étude d’audience la plus pertinente ?
MACH Basic est une référence historique dans la branche mais l’étude Total Audience, qui cumule les audiences print et web, est la seule qui soit pertinente car elle seule mesure la réelle force d’une marque. Je me réjouis que l’on puisse désormais disposer de ces données tous les semestres. Les annonceurs vont très vite se référer uniquement à cet outil.

D’après MACH Basic 2015-2, Bilan est le titre qui souffre le plus en Suisse romande. Comment expliquez-vous la perte de 25% de son audience ?
Selon MACH Basic, Bilan perdrait des lecteurs. Mais ce n’est absolument pas le cas si l’on prend en compte Total Audience. Et en plus, la vente au numéro progresse. C’est la preuve par l’absurde qu’il ne faut dorénavant se référer qu’à Total Audience.

En dupliquant trop largement son contenu print online, Bilan ne décourage-t-il pas le public à s’abonner ? Jusqu’où un magazine B2B peut-il rester libre d’accès ?
Je conviens que l’offre digitale est trop riche, mais la marque Bilan est très forte. Tout est question de dosage. Nous voulions être plus présents sur le web et nous avons atteint cet objectif. Il faut retrouver un équilibre entre le mix-audience et la distribution. Il n’y a aucune formule magique et c’est pourquoi il faut prendre des risques et avoir le courage d’essayer.

Comment expliquez-vous les résultats de la dernière Total Audience 2015-1, qui semblait indiquer que le réservoir d’audiences online était atteint en Suisse ?
Ne figeons pas ce qui ne l’est pas encore. L’élément clé c’est le comportement du lecteur et il n’est pas encore arrêté puisque la technologie ne cesse d’évoluer. Nous n’avons de loin pas encore atteint une zone de cristallisation. Nous vivons une transition très intéressante du point de vue des consommateurs mais plus compliquée et inconfortable pour les industriels des médias. Au total, il y a de nombreuses opportunités à saisir.

La manière de produire l’information a également évolué. Vous avez commencé par mutualiser certaines thématiques (sport, actualité), irez-vous jusqu’à créer une newsroom pour différents titres ?
Nos marques 24 heures et Tribune de Genève collaborent déjà depuis de nombreuses années sans avoir besoin d’une newsroom. En ce qui concerne News Express et Sport Center, ces deux plateformes ont des fonctions différentes. Dans le premier cas, il s’agit d’une alliance entre tous les régionaux, le Matin et 20minutes afin de produire et de diffuser à moindre coûts sur tous nos sites du contenu à faible différenciation.
Sport Center est quant à lui né de l’idée que si nous pouvions rassembler les journalistes sportifs, qui étaient répartis dans nos rédactions, nous pourrions créer une rédaction sportive disposant d’une masse critique suffisante pour permettre une meilleure couverture de toutes les disciplines. Un appel d’air qui a attiré bon nombre de journalistes qui souhaitent aujourd’hui rejoindre ce pôle.

Que pensez-vous du projet de Swisscom, Ringier et la RTS qui souhaitent unifier leurs forces de vente pour créer une plateforme programmatique commune ? On ne vous a pas entendu sur ce sujet ?
Il s’agit d’une alliance privé-public contre nature. Il n’est pas concevable de voir la SSR, financée par la redevance, commercialiser ses données d’utilisateurs et de les intégrer à cette nouvelle alliance. Chez Tamedia, nous croyons dans le futur de nos journaux et magazines. Nous n’aurions jamais cédé le contrôle de l’organisation qui commercialise nos publications. Ce financement est nécessaire pour assurer la pérennité de nos marques. J’ai des doutes sur la faisabilité d’une telle plateforme commerciale non tant pour des questions technologiques que pour la réunion de trois cultures d’entreprise différentes.

Le renforcement de Ringier, notamment avec l’intégration des titres d’Axel Springer au sein d’une joint-venture, va rendre l’offre média plus concurrentielle en Suisse romande. Quelle sera votre riposte ? Avez-vous des lancements de nouveaux titres en vue ?
Nous allons développer des offres qui permettent aux lecteurs de consommer de manière mobile l’ensemble de nos offres. Nous souhaitons être un moteur en terme d’innovation. Ce qui implique que nous soyons agiles. Nous ne devons pas avoir peur d’oser.

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