Pour accompagner la révolution du sous-titrage, Unige lancera un CAS en 2019
La demande de sous-titrage est aujourd’hui en plein essor, mais qu’en est-il de la réception des sous-titres par le public ? La longueur, la durée et l’emplacement sont autant de facteurs qui influent sur la réception de l’information par le lecteur et de ce fait, sur le travail du sous-titreur. Afin de répondre à ces questions, l’Université de Genève (UNIGE) a réalisé une étude qui énonce les pratiques de production et de réception des sous-titres et relève le caractère obsolète des normes de production, la nouvelle génération étant entraînée à lire des informations rapidement sur des écrans. Dès lors, le sous-titre peut acquérir une nouvelle dimension plus complète, opérant sa première révolution. Cette recherche, intitulée « Le sous-titrage, de la production à la réception », est publiée aux éditions Frank & Timme.
Le sous-titrage est divisé en deux catégories. La première, nommée intralinguistique, consiste à sous-titrer dans la même langue du contenu audiovisuel pour les personnes sourdes et malentendantes. La seconde, appelée interlinguistique, est le sous-titrage d’une langue audio vers une autre langue écrite.
Aujourd’hui, la demande, tant en inter- qu’en intralinguistique, est en plein essor. En effet, les productions de films et de séries doivent être disponibles le plus rapidement possibles sur le net, préférant de ce fait le sous-titre au doublage. De plus, la législation suisse exige désormais que le tiers au moins des contenus des chaînes publiques soit sous-titré pour les personnes sourdes et malentendantes. Mais comment est perçu le sous-titrage par son public cible ?
Fondées sur l’intuition, des normes devenues caduques
Les normes du sous-titrage interlinguistique sont un maximum de deux lignes pour 80 caractères (40 caractères par ligne), affichés durant 6 secondes. Le nombre de caractères par minute ne doit pas être supérieur à 750. Il est estimé qu’au-delà, l’impact sur l’image est trop grand et l’affichage à l’écran d’un sous-titre trop court par rapport au temps de lecture nécessaire. « Ces normes ont été fondées sur des intuitions et non sur des recherches empiriques », relève Alexander Künzli, professeur à la Faculté de traduction et d’interprétation (FTI) de l’UNIGE. « J’ai donc voulu tester l’impact de sous-titres plus longs sur le public, notamment dans sa perception des dialogues et des images », ajoute-t-il.
Pour ce faire, 27 étudiants en traduction germanophones ont été divisés en deux groupes. Quatre extraits du film « Entre les murs » leurs ont été montrés en français. Chaque extrait était une fois sous-titré en allemand selon les normes actuelles (750 caractères par minute en deux lignes), une autre fois sous-titré en allemand avec également des surtitres allemands en haut de l’image qui expliquaient le contexte culturel français en lien avec la scène (soit 1802 caractères par minute répartis sur 3 ou 4 lignes). Chaque groupe a été confronté à deux extraits standards et deux extraits avec surtitres. « J’ai ensuite posé aux étudiants deux questions relatives à l’image, deux aux dialogues et une sur la situation générale pour chaque extrait, afin de regarder si l’ajout de texte influençait négativement la perception de ces éléments, explique Alexander Künzli, mais il n’en est rien ! » En effet, le taux moyen de réponses correctes pour les extraits standards est de 71.3%, pour un taux de 72.8% pour les extraits avec surtitres. Deux éléments expliquent ce résultat surprenant. Concernant l’image, bien que le spectateur ait plus de texte à lire, le surtitre étant placé en haut de l’image et le sous-titre en bas, un effet de balayage de l’écran est nécessaire, ce qui permet d’en saisir tous les éléments. Concernant la longueur, il s’agit d’un phénomène d’accoutumance. « La nouvelle génération lit sans cesse du texte sur écran et est aujourd’hui capable de saisir beaucoup plus rapidement un texte sur image, ce qui permet d’en augmenter la longueur et d’adapter les normes actuelles à notre société », souligne le chercheur. En effet, les premiers sous-titrages de la télévision suisse datent de 1984, lors de la visite du pape en Suisse. Aujourd’hui, il est devenu commun de traiter en parallèle des images, du dialogue et du texte, d’où une nécessaire remise à niveau des règles.
Le travail du sous-titreur
Les sous-titreurs se spécialisent généralement en intralinguistique ou en interlinguistique. Alexander Künzli a envoyé un questionnaire d’enquête à un groupe de sous-titreurs suisses, allemands et autrichiens, qui démontre la distinction entre ces deux sous-cultures du sous-titrage qui possèdent leurs propres normes et perspectives professionnelles. Ce questionnaire souligne également l’appréciation de leurs conditions de travail.
Concernant les délais, bien que ceux-ci soient courts, – environ une semaine pour un film de 2h (ce qui représente 1500 sous-titres) –, les professionnels jugent leurs conditions satisfaisantes. C’est au niveau de l’appréciation du travail et des perspectives professionnelles que des différences apparaissent. Les sous-titreurs pour sourds et malentendants estiment que leur travail est apprécié par leur public cible et sentent une véritable utilité à leur savoir-faire, alors que les sous-titreurs de films et séries se sentent davantage critiqués, notamment pour un manque de précision dû aux normes actuelles. Il en est de même pour les perspectives professionnelles, jugées plus prometteuses en intralinguistique, car soutenues par les politiques et les associations.
Un nouveau CAS pour former des traducteurs pour l’audiovisuel
Dès 2019, un nouveau CAS formera des traducteurs pour l’audiovisuel, afin de répondre à la demande croissante du marché de l’emploi. Quatre modules thématiques seront abordés : le sous-titrage interlinguistique; le sous-
titrage intralinguistique pour des personnes présentant une déficience auditive; le Respeaking (sous-titrage en direct à la télévision) et l’audiodescription pour des personnes présentant une déficience visuelle.