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Sabina Advertising : La passion de l’événement

L’agence de communication lausannoise Sabina fête ses 25 ans. Retour sur l’épopée d’un duo bicéphale, Samuel et Sabine Blunier, dont le professionnalisme et la créativité impriment aux événements de ses clients le caractère unique et inoubliable d’une approche sur-mesure.
A vingt ans, Samuel Blunier est sur scène dans la peau de Sam Frank, auteur et compositeur. Les filles sont hystériques. Hélas pour elles, il rencontre Sabine, alors étudiante en graphisme à l’ECAL, qui deviendra sa partenaire, son épouse, son âme sœur. « Elle a su tempérer mes ardeurs, moi que l’on aurait pu mettre sous Ritaline », s’amuse aujourd’hui ce « poète industriel » aux deux recueils publiés, très jeune, chez un éditeur grenoblois. Créée en 1988, l’agence comptait alors deux autres associés. Située aujourd’hui au Chemin de Primerose, non loin du Parc de Milan, elle réunit une équipe de huit personnes capable d’offrir à ses clients une communication à 360 degrés, y compris un atelier de production pour tous types de documents ainsi que du matériel événementiel.

De l’écriture à la parole
Appliquer une démarche poétique à la publicité, c’est ainsi que Samuel Blunier conçoit son métier. Ce fils de publicitaire, que son père emmenait le dimanche matin dans les bureaux de Bep Publicis où il jouait parfois les cobayes sur certains produits, s’est pourtant rebellé, à l’adolescence, contre une société d’hyperconsommation qu’il détestait. Mais il avait ça dans le sang. « Quand on était encore étudiants, se souvient Sabine, les experts des agences passaient parfois voir Sam à la maison. Depuis son bain, il leur sortait des headlines, comme ça, sans effort. » Au début, Sabina était surtout identifiée comme une agence de graphisme. Mais Samuel suit les cours Florent, à Paris, et s’habitue à la prise de parole en public. « Ca lui rappelait la scène », observe Sabine. Au tournant des années 2000, Edipresse offre à l’agence un premier mandat événementiel d’importance, le lancement de sa filiale en Ukraine, puis la conception et la réalisation de 2 multimédias d’envergure sur l’historique et l’expansion du groupe, avec, à la clé, la participation à un congrès international à Buenos Aires et l’acheminement de tout le matériel nécessaire inclus.

Faisabilité, idée, budget
Pour Sabina, chaque événement est spécifique. Il ne constitue en lui-même que le sommet d’un iceberg faisant intervenir, en amont, l’ensemble des outils de communication que peut proposer une agence, de la conception graphique au multimédia, en passant par l’impression d’affiches, la réservation d’espaces publicitaire, puis, plus spécifiquement, le casting, la scénographie et, bien sûr, la décoration du lieu choisi et les modalités du repas en accord avec le concept général. « La seule manière pour que tout le monde ait les idées claires sur son champ d’action, c’est que le client nous fasse vraiment confiance, qu’il nous donne carte blanche. Sur un budget maitrisé, bien sûr. » Côté prise en charge, l’approche se résume en trois mots: faisabilité, idée, budget. Une méthodologie ? Dans les grandes lignes, bien sûr, mais elle comporte toujours une part d’imprévu : retards de dernière minute, désidératas contraignants. « On est dans le vivant ». Quand la banque HSBC demande à l’agence de lui organiser un événement dans le cadre de la foire Design Miami, à Bâle, Sabina va travailler sur le concept « Take a breath » imaginé par Philippe Cathélaz, et l’organisation d’un diner de gala en compagnie du Top designer Tom Dixon (recruté avec obstination par l’agence à Londres). Mais il y a un problème : à Bâle, les lieux les plus intéressants ne sont plus disponibles depuis longtemps au moment de la signature du contrat. Heureusement, l’imagination et la ténacité paient : l’agence et ses clients dénichent un espace inoccupé, sous les toits de la grande halle, qui permettra aux invités de passer une soirée ultra VIP avec le meilleur du design mondial à leurs pieds. Les clients, souligne le duo, ont tendance à avoir des désirs irréalistes ; ils ne sont pas toujours conscients, par exemple, qu’obtenir la présence d’une star peut demander des mois de travail et nécessite, côté agence, des réserves financières que Sabina n’avait pas à ses débuts. « Avant qu’une figure majeure de la danse comme Sylvie Guillem, que nous avons fait venir à la Salle Métropole, ne monte dans un avion, vous devez être capable de mettre cinquante mille francs sur la table ».

Les choses en grand
D’une soirée de lancement pour un nouveau produit à l’organisation d’une journée thématique sur une plage privée, un événement s’apparente à une véritable histoire en 3D dont le scénario, pour être convaincant, demande un soin maniaque du moindre détail. Quand Alpha Roméo mandate Sabina pour l’organisation d’une soirée nécessitant la venue d’au moins deux mille personnes un jeudi soir à Zurich, il faut un concept solide et une promesse forte. L’idée, certains s’en souviennent, sera un concert unique en Suisse de Beverly Knight, la star soul du moment, accompagné d’un défilé de prêt-à-porter et d’un autre de lingerie. Via des annonces presse, dix mille personnes s’inscrivent à l’événement, soit autant de données personnelles ultra-détaillées remises dans un premier temps au service marketing de la marque. Détail révélateur : au moment de la présentation du nouveau modèle de la marque, on observe sur le film de la soirée une précipitation générale sur les appareils photos. « Tout le monde nous dit toujours : ce sont des amis à vous ! Mais non ! C’est qu’en amont de ce concept, nous n’avons cherché rien d’autre que de faire venir dans cet event, par le jeu de la CRM data base, le cœur de cible ! » Dans un registre plus rustique, le concept RP de « Treasure Island », une journée thématique organisée pour AudemarsPiguet, devait intégrer une participation plus active du public. Au menu : chasse au trésor, combats de pirates, quizz, concerts et moments de détente à la carte. Le lieu, entièrement réaménagé en repaire de brigands des mers, a nécessité notamment la venue d’un semi-remorque bruxellois de faux rochers et de faux palmiers, l’installation de WC-douches et l’engagement d’un personnel qualifié pour la sécurité. La cerise sur le gâteau ? L’édition d’une gazette complète sur l’événement, avec des articles élaborés sur la base des nombreuses informations récoltées au sein de l’entreprise du client. Sans oublier la mini-campagne de teasing, en amont, consistant à déposer, sur le bureau des différents collaborateurs de l’entreprise, de petites cartes imprimées énigmatiques, toutes différentes, contenant des phrases comme « Les pierres les plus pures finissent aux doigts des belles », et qui précédaient l’invitation officielle à l’événement. Une actualisation parmi d’autres de la « poésie industrielle » dont Samuel Blunier se réclame, et dont Sabina a le secret. Prochaine étape : une campagne de marketing viral pour une marque automobile présente au Paléo Festival de Nyon 2013. « Nous n’avons jamais cherché à être à la mode, mais comme nous sommes entourés d’une équipe de jeunes, c’est venu naturellement. »

ENCADRE
Sabine Blunier Bay est un peintre de talent. Récemment, plusieurs de ses portraits ont paru dans l’Hebdo à l’occasion du « Forum de 100 » (100 personnalités qui font la Suisse romande). Dans la salle d’attente de Sabina, une très belle toile présente, en un quadrillage serré, des silhouettes noires au graphisme délicat.

 

Huber Gauthier

Journaliste culturel, écrit notamment pour le Kunst-Bulletin et Artpresss

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