Saentys à Londres : « Swiss Quality »
Le quartier de Spitalfields est représentatif des transformations qui ont frappé ces dernières années l’Est de Londres. Entre magasins branchés et bazars pittoresques, de nombreuses agences ont choisi de profiter des vastes bâtiments hérités de la révolution industrielle. Comme la fameuse brasserie Truman Brewery, un énorme complexe immobilier racheté au début des années 80, qui est devenu l’épicentre du dynamisme cosmopolite de la ville. En s’installant au coeur de cette effervescence, Andreas Fux et Adrian Strittmater bénéficient d’une vue imprenable sur ce spectaculaire processus de régénération. Ce choix est d’autant plus compréhensible que les deux expatriés genevois ont d’emblée cherché, en créant Saentys, à se spécialiser dans le domaine du « destination marketing ». C’était durant l’été 2007 et, même si l’économie mondiale était frappée par la crise, leur choix s’est avéré être très judicieux. En effet, cinq ans plus tard, Saentys emploie une vingtaine de salariés répartis entre les succursales de Londres, Genève et Paris. Rencontre avec deux amis de longue date qui n’ont pas peur de prendre de l’altitude pour communiquer à 360°.
À quel moment avez-vous décidé de travailler ensemble ?
Andreas : Cela fait plus de 25 ans que nous nous connaissons et nous sommes animés par cette envie de faire des choses par nous-mêmes depuis l’adolescence. Cela nous a poussé à concevoir plein de projets en commun, en dehors de nos études. Du même coup, lorsque Adrian a décidé de déménager à Londres en 2003 pour travailler dans une agence de design, je l’ai suivi un an plus tard.
Adrian: A la fin de mes études en Science politique, lorsque je comparais la Tribune de Genève aux 60 pages du supplément Media du Guardian, j’ai vite compris que c’était à Londres que ça se passait. Ceci d’autant plus que je suis à moitié anglais. J’ai rapidement trouvé du travail dans une agence, qui quelques mois après mon arrivée, cherchait un graphiste spécialisé multimédia. Andreas a ensuite intégré cet agence. Après 3 ans et demi, nous nous sommes dit que nous pourrions tout aussi bien y arriver par nous-même et c’est ainsi que l’aventure Saentys a débuté. Certains clients nous ont suivi et c’était un peu comme si nous changions juste de logo sur la porte. Cinq ans plus tard, nous employons plus d’une dizaine d’employés à Londres et quatre dans notre agence de Genève qui est d’ailleurs gérée par un vieil ami commun, Thomas Marsch.
Quels ont été les avantages d’être basé à Londres pour lancer votre société ?
Andreas: Même si cela demande un petit temps d’adaptation pour trouver ses repères, aussi bien géographiques que relationnels, Londres présente de nombreux avantages tant sur le plan des opportunités professionnelles que dans la vie de tous les jours. Les expositions et toute cette effervescence, en comparaison avec Genève… il n’y a pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour être occupé à plein temps. De plus, en rompant avec nos habitudes, nous nous sommes totalement concentré sur notre boulot. Et puisqu’aujourd’hui réseaux professionnels et sociaux ne font qu’un, nous nous sommes très vite intégrés.
Adrian: Les agences sont ici généralement spécialisées dans un ou deux domaines et cela nous a permis de construire une valeur ajoutée spécifique. Notre positionnement a été construit autour de quelques compétences. Ainsi, 60 % de nos mandats proviennent du Destination Marketing, environ 30 % de la communication institutionnelle de secteurs comme les banques, les consultants, les avocats (par exemple McKinsey, Credit Agricole Private Bank, Henderson etc..) et les 10 % restant, d’un peu partout.
Notre base londonienne nous a permis assez rapidement d’obtenir des mandats internationaux. Par exemple, nous avons récemment travaillé à Seattle pour Microsoft et nous sommes actuellement sur un gros projet comprenant six centres commerciaux à Moscou. Si Saentys a grandi au-delà de nos espérances, c’est surtout parce toute les équipes tant en Grand Bretagne qu’en Suisse ou qu’en France travaillent sans relâche. Nous sommes tous animés par la même motivation.
Le « destination marketing », quelle est votre définition de ce secteur ?
Adrian: Il y encore peu de temps, le Destination Marketing en communication immobilière était une approche très technicienne qui travaillait presque exclusivement avec des plans d’étages ou des données purement d’ordre techniques. Nous avons réussi à imposer une approche qui privilégie ce que le lieu apporte aux gens, sans nous concentrer uniquement sur les critères techniques du lieu. Résidentiel, commercial, restauration, boîte de nuit,… pour nous, il s’agit avant tout d’une destination et nous faisons la promotion de lieux qui ont une fonction dans la vie de tous les jours. Ceci est également valable lorsque l’on fait la promotion d’un nouveau quartier en Grande-Bretagne ou à Genève.
Des exemples?
Adrian: Un de nos projets « phares » est concentré du stade de Wembley. Il y a d’une part, le stade et d’autre part, des sites résidentiels et commerciaux comme le « London Designer Outlet » qui est actuellement en construction. Il s’agit d’un projet de grande envergure qui va redéfinir ce quartier puisque toute la zone de Wembley est largement délimitée par le stade et ses alentours. Nous allons assister à la naissance d’un nouveau quartier, la qualité et la justesse de sa communication sont par conséquent indispensables.
Andreas : Ce genre de projets permet aux designers de se faire plaisir puisqu’ils nécessitent une attention et une planification sur le long terme tout comme une réalisation originale dotée d’une qualité irréprochable. Dans ces cas, les clients ne sont pas regardant à la dépense et désirent généralement des textures, des vernis, des dorures, diverses formes de matériaux plutôt inhabituels. Il n’y a pas vraiment de limites et pour donner une échelle, il n’est pas rare que nous mandations des hélicoptères pour faire des vues aériennes des bâtiments.
Comment avez-vous réussi à vous positionner dans ce secteur passablement fermé ?
Andreas: Le bouche à oreille va très vite et l’on s’est très vite retrouvé à faire une dizaine de projets d’envergure par an. Nous appliquons des stratégies traditionnelles pour définir l’identité graphique des lieux et des bâtiments dont nous faisons la promotion. Plaquette, direct mailing, mailer HTML, site Web, film, signalétique, etc., nous pouvons implémenter toute la gamme d’outils nécessaires en fonction de la durée de vie de la campagne.
Adrian : À vrai dire, nous traitons souvent avec les mêmes acteurs, ce sont juste les destinations qui diffèrent. C’est notre grande chance, car cela nous permet d’être très diversifiés en fonction des mandats. C’est rare de pouvoir évoluer dans des niches de marché très restreintes où les clients sont prêts à investir plusieurs millions par an pour louer des bureaux. Il s’agit d’une typologie particulière de destinataires.
Comment avez-vous réussit à intégrer les récentes évolutions dans le domaine du numérique dans le marché de l’immobilier, somme toute très traditionnel ?
Andreas: Tout cela a été très réactif. Lorsque nous avons commencé, nous faisions 80% d’imprimé et 20% de web. Quatre ans plus tard, nous étions presque à parité. Parallèlement au web, il y a également toutes les solutions numériques mixtes. Nous répondons de plus en plus souvent à des requêtes pour réaliser des e-mailing, des vidéos, des jeux, ou des réseaux sociaux.. Même si nous faisons encore beaucoup d’imprimés, nous constatons le basculement et ce n’est qu’un début.
Adrian: Une de nos particularités a été d’avoir mis en place, dès l’ouverture de notre agence, une structure qui nous permettait de faire autant de traditionnel que de numérique. Aujourd’hui, on vient à nous pour ce genre de mandat 50/50. Par exemple, nous avons récemment été contacté par un client allemand, basé en France, pour repenser toute la structure et le design de ses sites seb. Nous travaillons également sur un gros projet, encore confidentiel, pour le développement d’un réseau social professionnel pour la NHS (ndlr : le système de santé publique britannique).
Le label suisse a-t-il joué en votre faveur ?
Adrian: Absolument, c’est d’ailleurs pour cela que nous avons choisi un nom qui fait référence à une montagne en Appenzell. Nous avons voulu d’emblée exprimer ce souci de qualité suisse, en insistant sur la longue tradition en matière d’architecture et de design. C’est d’autant plus important que le timing de toutes ces campagnes est presque aussi important que le produit fini. Une plaquette qui n’est pas prête pour une soirée de lancement ne sert à rien. Cette question de ponctualité constitue ici une vraie pierre d’achoppement.
Nous rêverions de pouvions arborer un « Made in Switzerland » sous notre logo! De plus, cette “neutralité” rend également les choses beaucoup plus aisées notamment en France. La Suisse y est vue comme un état non agressif, neutre et hyper professionnel, nous n’aurions pas la même image si nous étions une agence purement anglaise.
Andreas: En plus, nous préférons mille fois travailler avec des amis et nous sommes redevables à 100% de l’éducation suisse, car tout le monde ressort grosso modo avec les mêmes qualifications. C’est notre petite mafia suisse !
Ne craignez-vous pas de vous laisser enfermer dans un créneau plutôt restrictif ?
Andreas: Après cinq ans d’activités, nous nous trouvons dans une situation appréciable qui nous permet de pouvoir choisir beaucoup de nos mandats. Certains projets me tiennent à coeur, par exemple le Triathlon de Genève qui a commencé bénévolement. Nous avons collaborons également pour TEDx Lyon et le World Hear Federation qui nous ont apporté une dynamique interne excellente. Ca devient presque un enjeu personnel de se dire: c’est pour une bonne cause, j’ai envie de donner tout le meilleur de moi-même.
Adrian : Nous avons également travaillé pour Chickenshed. C’est une troupe de théâtre qui offre des opportunités à des personnes souffrant de déficiences mentales, physiques ou sociales de collaborer avec des comédiens professionnels. Nous avons participé au lancement et à la recherche de fonds pour Kensington et Chelsea et, même s’il s’agit d’un organisme de charité, il faut adopter le même professionnalisme que pour le luxe. Quoi que nous fassions, nous essayons toujours de conserver la rigueur et le suivi d’une grande agence, tout en gardant la flexibilité et la créativité d’une petite. C’est en quelque sorte The best of both worlds !
Joël Vacheron
www.saentys.com