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#Interview Cominmag : Pour Jonas Eliassen,le nouveau CEO de Havas Switzerland, la communication intégrée est l’avenir des agences

Jonas Eliassen est devenu, en novembre dernier, le nouveau CEO de Havas Switzerland, une agence nationale qui dispose de deux « villages », un à Zurich et autre à Genève. La période des cent jours étant passée, il était temps pour Cominmag d’en savoir plus sur son parcours, ses projets et sa vision de publicité.

Jonas Eliassen votre parcours chez Zenith, Carat, Dentsu International vous définit plus comme un spécialiste média que comme un créatif. Juste ?
Oui et pourtant je suis tombé dans la marmite de la publicité dès mon enfance. Mon grand- père Walter Brüllmann était PDG (président directeur général) de l’agence Trio de 1968 à 1986 et c’est lui qui m’a inspiré de m’engager dans cette direction. Mais j’ai très vite compris que j’étais plus fait pour la stratégie que pour le graphisme. Je me suis donc spécialisé dans les médias en travaillant pour des éditeurs (presse) et surtout pour des agences média où j’ai évolué pendant 17 ans.

A la tête de l’agence Havas vous entrez dans un groupe français après avoir travaillé pour des groupes plus anglo-saxons (Zenith, Dentsu International). Une différence d’approche ?
Non, ce qui m’a séduit lors des entretiens d’embauche avec la direction du groupe Havas c’est que nous partagions une même vision : l’importance d’une communication intégrée porteuse de sens. Les clients se sont habitués à travailler avec des centres de compétences différents, mais la fragmentation du marché nécessite que la stratégie créative et média soient pensées en commun dès le début. Raison pour laquelle, je pense que nous allons revenir à la situation qui prévalait avant la création des agences média. Un temps où les équipes de création et celles qui définissaient les stratégies média travaillaient main dans la main dans le but de connecter une marque avec son audience.

En Suisse, toutes les grandes agences ont rêvé être nationales. Certaines ont tenté de s’installer à Genève ou à Zurich, toutes ont échoué. Havas est la seule qui a réussi avec deux « villages » qui ont des clients de taille comparable. C’est unique et pourtant vous ne le communiquez jamais ainsi. Pourquoi ?
Ce qui a permis ce succès ce sont justement nos deux ancrages au cœur de la Suisse alémanique et romande. On ne devient pas une agence nationale juste en s’implantant au milieu de la Suisse. Chacun de nos Villages possède donc historiquement sa propre base de clients locaux, mais aussi des clients nationaux sur lesquels les deux bureaux collaborent. C’est aussi ce qui fait le succès de notre modèle : nos concepts visent le marché national. Ils sont le fruit d’une collaboration entre personnes originaires de chaque région linguistique et non une simple traduction.

Quant à la communication, nous allons être plus présent à l’avenir. Je suis en train de repenser la gouvernance. À ce stade, je peux vous assurer que nous allons avoir une direction commune. Il est important de continuer à favoriser cette culture du partage de connaissance entre les deux régions, car il y a bien plus de choses qui unissent les Suisses que de choses qui les divisent.

Vous reconnaissez toutefois qu’il y a bien deux marchés dans notre pays….
Tout dépend de ce que vous entendez par marché. Si vous pensez aux consommateurs, ce n’est plus vrai. Le comportement des clients est le même de part et d’autre du Röstigraben. Le marché suisse est trop petit pour être divisé et sa beauté réside dans la recherche d’idées de communication qui respectent et embrassent la diversité culturelle de notre pays. Il est peut-être vrai que les agences zurichoises ont été favorisées par la proximité avec les centres décisionnels économiques. Cela a créé un décalage entre la Suisse romande et alémanique. Mais si j’en juge par la qualité de nos équipes à Genève et à Zurich, ce décalage n’existe plus.

Le sondage de l’ASA et de LSA en ce début d’année laissait entendre que les annonceurs veulent revenir en 2023 à des plans médias où le digital et le offline sont plus équilibrés. Comment interprétez-vous cette tendance ?
Je pense que l’on a trop longtemps confondu digital et média. Le digital c’est un moyen de distribution et non du contenu ! Cette précision a toute son importance car elle nous ramène à la question centrale : quel est l’objectif recherché par une marque ? Il faut un « Why » pour pouvoir élaborer une stratégie. Plus que jamais l’approche cross channel est essentielle d’où l’importance d’être une agence intégrée.

Beaucoup de publicitaires constatent que les clients ont changé suite à la difficile période du Covid. Portez-vous le même constat?
Je ne crois pas que les consommateurs soient différents. Ce qui est vrai, c’est qu’il est toujours plus difficile de les atteindre car ils ont plus rapidement changé leurs habitudes médias suite à ces deux années. Résultat, on doit déployer toujours plus de moyens pour toucher les cibles recherchées.

Ce qui a aussi changé c’est l’image de la publicité. Est-ce inquiétant pour la profession ?
Je ne crois pas que le public n’aime plus la publicité. Je pense que certains craignent les dérives des GAMAMs en termes de gouvernance des données. Mais la publicité fait partie intégrante de la société, de la culture et de l’économie contemporaine.

Les opposants à l’affichage en Ville de Genève voient la publicité comme un agent capitaliste qui promeut la surconsommation. On est dans une critique plus marxiste qu’anti-moderniste…
J’entends ces critiques, mais elles sont infondées. Le public est libre de ses choix. Ce n’est pas à l’État d’interdire la publicité. Tant qu’il y aura une économie libre, il y aura des messages commerciaux pour informer que tel ou tel bien est en vente. Je suis persuadé que la publicité joue un rôle informatif. Que chacun se fasse après son opinion.

L’affichage est par exemple un très bon moyen pour servir l’intérêt des marques locales auprès des Genevois. Cependant nous devons rester à l’écoute de tous les consommateurs, c’est un débat révélateur d’une société en plein changement. Chez Havas nous possédons une entité dédiée à la compréhension et à l’amélioration de l’expérience client, Havas CX. Son objectif est d’accompagner les marques dans une communication plus adaptée aux attentes et aux différences de chaque consommateur, y compris ceux qui veulent moins de publicités et désirent être informés par d’autres canaux qu’ils contrôlent mieux.

On ne saurait finir cet interview sans évoquer l’intelligence artificielle. Les agences doivent-elles craindre ces outils créatifs capables de vous créer des centaines de visuels en une minute ?
Non, tant qu’il faudra des humains pour donner les bons mots clés à une IA et pour sélectionner les images les plus pertinentes pour une marque. Plus sérieusement, la technologie a accompagné les agences ces dernières décennies, l’intelligence artificielle continuera à les faire avancer.
Mais n’oublions pas que les IA se basent toutes sur des données existantes, une IA n’innove jamais, une IA n’a pas de sentiment ni d’intuition, elle reproduit de manière intelligente ce qu’elle observe. Une utilisation massive de ces outils ferait tendre le marché vers une normalisation de la communication, ainsi plus que jamais l’idée créative restera toujours le meilleur moyen pour une marque d’émerger en se différenciant.

Victoria Marchand

Victoria Marchand

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