« Les sites splendides ont un secret ». Tel est le slogan de l’agence genevoise Too Pixel, créée en 2008 et spécialisée dans la création de sites Corporate, e-Commerce et le marketing digital. Avec son directeur, Christophe Prudent, son directeur, Cominmag a cherché à en savoir plus sur l’évolution du webdesign, les stratégies actuelles et les perspectives à moyen terme.
Quelle évolution avez-vous constatée, en dix ans, dans les demandes de vos clients ?
Christophe Prudent : Au début, avant Too Pixel, la demande principale était surtout pour des commerçants ou de petites entreprises qui avaient besoin d’un site-vitrine. A l’époque, c’était un simple besoin de présence sur le web ; aujourd’hui, le client recherche un véritable positionnement global sur Internet. Le site est devenu le point central d’une stratégie d’entreprise complète.
A quel moment avez-vous constaté ce changement ?Vers 2008, au moment de la création de l’agence. Et le virage s’est accentué depuis deux ans : au début, une entreprise cherchait plutôt un simple webmaster. Elle s’adressait alors à son informaticien ou à son service IT et lui demandait s’il connaissait quelqu’un pour lui faire son site. Aujourd’hui, il arrive que l’on se tourne encore vers son agence de communication traditionnelle, mais il est rare qu’elle dispose des ressources suffisantes à l’interne.
Vous êtes donc partis du web pour devenir une agence qui propose aussi les services d’une agence de communication ?Oui, nous proposons tous les types de services. Nous avons ouvert cette année notre propre agence de communication nommée Vecteur afin de créer le lien manquant entre le offline et le online. De ce fait nous sommes désormais une agence « All-in-one ».
Quels trends avez-vous identifiés, dans les demandes actuelles de vos clients ?
Les clients ne connaissent pas forcément les trends en matière de design ou de fonctionnalités. Bien sûr, ils peuvent comparer les agences qu’ils mettent au concours dans les styles, et peuvent saisir des différences. L’une des tendances actuelles, c’est le flat design, et cela est désormais acquis par les clients depuis qu’Apple a converti tous ses systèmes dans ce style. Mais aussi tout ce qui est one page, ce qui démontre que le scroll n’est plus un problème. Un site peut être très long, du moment qu’il est bien conçu. Les animations reviennent également en force, mais celles-ci sont désormais subtiles et légères, conçues avec les technologies actuelles du web, moins envahissantes que celles des années 2000. La vidéo est aussi désormais plus que d’actualité et c’est une forte demande de la part de notre clientèle.
Quelle nouvelle approche créative cela implique-t-il ?
Les études démontrent que les gens ne lisent pas sur le web. On a eu l’époque où les pages faisaient cinq cents, voire mille mots de texte. C’était indigeste. Aujourd’hui, on est dans l’image, le visuel, le média. Et donc une page peut être très longue pour autant que l’imagerie soit bien pensée, accompagné de quelques textes succincts et percutants, et si possible d’une vidéo intéressante. En bref, tout est permis pour autant que cela soit intéressant et ludique pour l’internaute !
Votre rôle, c’est de fabriquer le fil d’Ariane ?
Oui, nous concevons des sites avant tout pour le visiteur et veillons à anticiper le chemin utilisateur. L’esthétique est importante, fondamentale même, mais elle ne suffit plus. Les questions sont : qu’est-ce qu’on veut lui faire faire ? où veut-on l’emmener ? comment lui donner envie d’acheter mes produits ou de me contacter ? C’est un chemin qui passe par des boutons d’appel à l’action, des liens avec texte pertinent, etc. Ensuite et à partir d’un site bien réalisé pour un taux de transformation optimal, nous pouvons démarrer les actions de marketing digital, ce qui constitue uns des rôles fondamentaux d’une agence web après la création du site.
Qui sont vos clients, aujourd’hui ?
C’est très varié. On s’adresse aussi bien à la petite entreprise qui a besoin d’être accompagnée dans sa stratégie web globale, à l’exemple du fleuriste « Côté Fleurs », à Champel. Dans ce cas, on ne s’est pas contentés de lui concevoir un site, on s’est occupé de sa stratégie digitale complète et on l’a amené vers les réseaux sociaux, le e-Commerce, le référencement et l’élaboration de stratégies de communication offline, avec une jolie réussite à la clé. Mais nous avons aussi de plus gros clients comme le CERN, ou la société pétrolière SOCAR trading.
Qu’est-ce qu’un « bon » client ?
Pas forcément une multinationale. L’agence Besson Immobilier, à Verbier, est par exemple une entreprise suisse locale, mais qui travaille à l’international. C’est un client que l’on a accompagné très loin, avec le site officiel, bien sûr, mais aussi l’intranet ainsi qu’un logiciel de gestion immobilière très performant. Nous les soutenons aussi dans leurs stratégies de marketing web en leur permettant d’obtenir une visibilité importante sur Google à travers des campagnes de référencement naturel. Donc le bon client est pour nous le client qui nous accorde sa confiance, et d’autant plus lorsque celle-ci se veut mutuelle.
Quel discours tenez-vous en général à vos nouveaux clients qui veulent se lancer dans la création d’un site performant ?
D’abord, il faut savoir qu’un site, aujourd’hui, ça se renouvelle tous les cinq ans. L’évolution technologique y est pour beaucoup, mais pas seulement. Un site qui passe cinq ans est toujours fonctionnel, mais l’image de l’entreprise en sera forcément affectée. Depuis que je fais du web, on est passés du CSS 1, au 2, puis au 3. Toutes les autres technologies comme le HTML, le PHP et le Javascript ont évoluées très rapidement. Un site qui ne suit pas le mouvement ne sera certainement pas beau sur mobile, sera long à télécharger, et cela aura des répercussions catastrophiques sur les ventes, et par conséquent le chiffre d’affaires de l’entreprise. Par conséquent un site qui n’est plus à jour finit par coûter plus cher à une entreprise que l’investissement nécessaire à sa réactualisation.
Qui sont vos concurrents, d’autres agences ?
Non, la concurrence est plutôt bon enfant à Genève de ce côté-là, le marché n’est pas saturé. Elle serait plutôt à chercher du côté des services de création de sites web online basé sur des modèles préconçus. Le client en perd un peu la notion du coût d’un vrai travail sur mesure, ce qui n’est pas bon pour notre métier.
Comment tirez-vous votre épingle du jeu ?
En jouant la carte de la spécialisation, en faisant du très beau et du très esthétique, du très innovant, et surtout en placant la création du site au cœur d’une stratégie complète, des choses que le client ne trouvera jamais en dehors d’une agence.
Des exemples concrets ?
Oui, si l’on prend l’exemple des soixante ans du CERN, on arrive sur le site avec une carte interactive, ce qui n’a rien d’exceptionnel en soit, sauf que dans ce cas, le client peut la mettre lui-même à jour et la personnaliser en y plaçant des éléments interactifs et en y liant des événements au niveau international. Un client ne pourra pas créer une charte graphique haut de gamme sur un outil préconçu ; et quand on s’adresse à une société comme la nôtre, il y a forcément un besoin d’image.
Au niveau du design graphique, est-ce que la concurrence est forte, en Suisse, qui possède de nombreuses écoles réputées ?
En graphisme print, il est vrai que l’on est bien servi. Mais j’estime qu’il y a un problème, en Suisse romande, et à Genève en particulier, sur les formations en design web. Nous sommes très en retard à Genève, au contraire de Zurich, où les élèves sont déjà très avancés au sortir des écoles.
Serait-ce lié à l’implication des acteurs ? Pas assez de workshops, de stages ?
Oui, c’est possible que ce soit à nous, agences romandes, de faire un effort de ce côté-là. De son côté, Too Pixel prend régulièrement des stagiaires, mais on a eu beaucoup de déceptions.
Où sont aujourd’hui les agences qui cartonnent vraiment dans votre domaine ?
Plutôt aux Etats-Unis, et il y a un gros mouvement parisien. La France a mis du temps à se mettre au beau webdesign, mais aujourd’hui, les agences parisiennes apportent de vraies innovations.
Quel est selon vous le petit « plus » qui fait la différence, sur un site ?
Sans aucun doute la qualité de la photographie et l’expérience utilisateur. Je conseille toujours à mes clients d’avoir de belles images, mais surtout de nous faire confiance en terme d’ergonomie et d’innovations, même si parfois cela fait peur au client de trop innover, celui qui nous fait confiance en récoltera les fruits tôt ou tard car nous ne concevons pas des sites pour aujourd’hui, mais bel et bien pour les tendances de demain, et, n’est-ce pas notre rôle de webdesigner après tout que de faire bouger les tendances ? Donc tout part de là : l’esthétique, l’esprit qui se dégage du site. On ne peut pas l’expliquer, c’est très immersif. C’est un jeu dans lequel l’internaute commence à cliquer, puis il se saisit du concept.
Avez-vous un site préféré, en ce moment ?
Question difficile, il y a tellement de bonnes choses. Je dirais cependant, et pour citer une belle référence suisse, que le site World of Swiss (de la compagnie aérienne Swiss) a fait l’objet d’un travail remarquable, aussi bien sur le plan esthétique que technique.