Interviews

Optimisme responsable

naters-bern-nadine-borter-ist-walliserin-des-jahres-44299Interview deNadine Borter, présidente du BSW et CEO de l’agence Contexta

Quel est le bilan de l’année 2012 pour les agences de publicité et médias en Suisse ? Comment envisagent-elles l’avenir ? Quels sont les défis qui les attendent – et qu’en est-il de leurs relations avec les annonceurs ? Nadine Borter, une des publicitaires les plus en vue du pays, nous répond.

Début octobre, le bsw annonçait aborder 2013 avec un certain optimisme. Les choses ont-elles changé depuis ?
– Avec la fin de l’année, les prévisions budgétaires plus concrètes approchent. Or, l’ambiance générale n’a guère évolué : c’est avec un bon optimisme que nous envisageons un avenir qui sera certainement difficile.

Entre-temps certaines informations peu réjouissantes ont été communiquées… UBS, Crédit Suisse, Lonza, Sunrise et Swisscom ont annoncé plus de 2’000 suppressions d’emploi. Quel est l’impact de ces mesures sur le secteur publicitaire ?
– Même si notre profession n’a rien à voir avec l’économie, les cycles conjoncturels s’y répercutent assez tôt. Ces deux derniers mois, nous n’avons rien remarqué qui puisse nous inquiéter. D’autant que notre attitude optimiste ne repose pas uniquement sur nos propres estimations mais sur les déclarations des 750 annonceurs interrogés cette année et en 2011. La bonne nouvelle, c’est qu’ils se déclarent prêts à investir toujours autant dans la communication en 2013. Et, détail qui a toute son importance, à la date de l’enquête, ils étaient déjà au courant des restructurations en question.

Si le volume de travail est assuré, la pression sur les marges semble se faire sentir de plus en plus lourdement pour les agences. Qu’en est-il ?
– Cette pression est réelle, car le catalogue de prestations qu’une agence se doit de proposer, surtout dans le domaine numérique, ne cesse de s’étoffer, ce qui exige des investissements permanents. Et la multiplication des canaux médiatiques disponibles rend la planification encore plus complexe. Par ailleurs, les délaisimposés aux agences sont toujours plus courts. Résultat, elles ont donc besoin de plus de personnel et doivent investir davantage dans le savoir-faire numérique alors que les annonceurs ne sont pas enclins à augmenter leurs budgets et comptent profiter, pour le même prix, de plus de prestations.

Cette situation concerne-t-elle au même titre les agences de publicité et médias ?
– À mon avis, les premières sont davantage affectées.

Est-ce qu’il y a des différences entre Suisse alémanique et romande ?
– Toutes les agences sont logées à la même enseigne. Ce qui est déterminant, c’est la structure du portefeuille client. Plus une agence travaillera avec des secteurs impactés par la crise de l’euro et plus cette pression se fera ressentir, et ce peu importe où elle se trouve en Suisse.

Cette année, vous avez directement demandé aux annonceurs de « se recentrer sur une coopération professionnelle basée sur le partenariat avec pour focus l’optimisation du travail de fond, l’amélioration de la planification et des briefings. » A la vue de cette formulation, on pourrait croire que le torchon serait en train de brûler.
– Nous n’en sommes pas encore arrivés à la situation où les agences doivent taper sur la table pour exiger de leurs chers annonceurs qu’ils se montrent enfin plus généreux. Notre appel a pour objectif de rapprocher annonceurs et agences, chacun devant faire preuve de courage et d’esprit d’initiative et de décision. À l’ère du numérique, les exigences sont toujours plus pointues et les marques doivent se positionner clairement. Si elles veulent réussir sur lelong terme, elles doivent se différencier et apporter une plus-value.

Peter Felser, votre prédécesseur, avait déjà évoqué la baisse de la qualité des briefings mais votre appel est sans équivoque. L’urgence de la situation est-elle réelle ou bien s’agit-il seulement, dans l’injonction lancée par une jeune femme de 37 ans, de l’expression d’un changement de génération au bsw, marqué par une certaine impatience juvénile ?
– À moins que ce ne soit un trait typique des Valaisans ? (en riant) Le bsw n’a pas opéré de revirement. Nous avons choisi de consulter nos adhérents et d’effectuer une étude avec les annonceurs. Elle a révélé que les exigences auxquelles les agences doivent satisfaire ne cessent d’augmenter alors que nos adhérents déclarent que la qualité des briefings a baissé.

Les clients ou l’ASA (Association suisse des annonceurs) ont-ils réagi à votre appel ?
– Non. Il ne s’agissait d’ailleurs pas d’une critique adressée aux annonceurs, bien au contraire. L’appel est une invitation à nous recentrer et à collaborer tous ensemble.
Avec l’ASA, nous avons mis sur pied un projet concret : un atelier de travail destiné aux annonceurs et aux agences, intitulé « Comment optimiser le briefing », car nous savons que la qualité du briefing est la clé de la réussite.

Quelle sera votre prochaine initiative ?
– Nous avons d’excellents contacts avec l’ASA. Certains thèmes se recoupent, comme la formation professionnelle par exemple. L’un des objectifs est d’assurer la formation des nouvelles générations de professionnels au SAWI ou dans les Hautes écoles spécialisées – un cursus fondé sur la pratique. Ce qui implique par exemple que le bsw fournisse aussi des enseignants.

L’an dernier, huit nouvelles agences de publicité et trois agences médias ont rejoint le bsw mais aucune ne venait de Suisse romande. Pourquoi ?

– Le bsw fait tout son possible pour être une association nationale et nous avons d’ailleurs, avec Michael Kamm et Chris Fluckiger, deux Romands dans le comité directeur – une décision délibérément prise en faveur de la partie francophone du pays. Je ne souhaite pas que l’on pense que les agences de cette région ne correspondent pas au profil exigé par le bsw. Plusieurs négociations sont en cours et nous espérons accueillir en 2013 de nouveaux membres de la Suisse occidentale.

Selon l’enquête effectuée par le bsw auprès de 750 annonceurs, ces derniers comptent investir encore près de 86% de leurs dépenses publicitaires dans les médias classiques en 2013, la part revenant aux médias sociaux étant même revue à la baisse. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

– Les médiaux sociaux avaient déclenché un certain buzz, chacun voulant être de la partie. Mais selon les profils, les médias classiques jouent encore un rôle important en Suisse. Ce qui ne veut pas dire que l’on puisse se passer de la publicité en ligne ou des médias sociaux, bien au contraire. Mais la question est de savoir quels sont les contenus me permettant d’engager le dialogue avec mon groupe-cible – et quelles sont les ressources supplémentaires dont je dispose.

Ce qui voudrait dire que les annonceurs ont sous-estimé les activités que représentent les médias sociaux et se rendent maintenant compte qu’ils doivent recruter du personnel assurant le suivi de ces activités ?
– Oui et non. Ces phénomènes sont bien entendu cycliques. On s’en rend compte dans un autre domaine : on sait qu’aujourd’hui, que les smartphones sont utilisés à environ 55% par les internautes, mais que les investissements dans ce support sont encore minimes alors que la proximité avec le consommateur est énorme. Cette divergence est elle aussi en rapport avec le type de contenu qu’un annonceur veut exploiter pour surprendre le consommateur. Or, un mobinaute veut lire autre chose sur son portable qu’une affiche.

Markus Knöpfli

www.bsw.ch
www.contexta.ch

 

 

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