Etude emploi web : On recherche un « Homme entre 35 à 40 ans, diplômé »
Cette étude est partie d’un constat : la transformation digitale est sur toutes les lèvres, mais on en sait peu à propos des professionnels qui la mettent en œuvre. Quels sont les métiers de la transformation digitale, qui les exerce en Suisse romande, quelles sont les formations et les compétences des professionnels ? Photographie de l’emploi dans le secteur digital en Suisse romande, l’étude s’enquiert aussi des besoins des entreprises et des possibles évolutions des métiers.
En Suisse, la transformation digitale tend à faire disparaître les emplois routiniers, mais elle a accru la demande de prestations de services. Elle a aussi favorisé la création d’emplois dans les branches technologiques. D’une manière générale, plus la taille des entreprises est élevée, plus la transformation digitale y est avancée, en Suisse romande comme dans l’ensemble de la Suisse.
Les métiers du digital
Le corpus de 200 offres d’emploi récoltées en Suisse romande, sur la base des mots clefs digital, numérique, web et e-commerce, rassemble différents métiers. Les offres présentent par ailleurs un très grand foisonnement d’intitulés de fonctions, aussi bien en français qu’en anglais. Mais ces intitulés ne comportent jamais le terme « numérique », y compris lorsque l’offre est rédigée en français.
Interrogés sur la notion de « métiers du digital », les experts les ont identifiés comme étant ceux « de la transformation digitale » ou ceux « de la conception et de la production de produits digitaux ». Le recoupement de différentes sources a permis d’élaborer un corpus de « métiers du digital » pertinent pour la Suisse romande. Il se compose de trois catégories et 15 « fonctions » différentes, chacune renvoyant à plusieurs intitulés différents: les métiers des technologies de l’information (développeurs, architectes de l’information, spécialistes de la sécurité informatique, analystes de données), ceux du contenu et de la communication au sens large (designer UX*, créateurs de contenu web textuel et multimédia, spécialistes des médias sociaux et du marketing digital) et ceux de la gestion digitale (responsable de la transformation digitale, chef de projet ou de produit digital, responsable de la communication ou du marketing digital).
Que nous apprend la lecture des offres d’emploi du digital en Suisse romande ?
Les entreprises romandes, via l’enquête quantitative qui leur a été adressée, se sont prononcées sur l’implantation de ces fonctions dans leur entreprise. 538 entreprises ont répondu, dont 349 avec des activités digitales. Actuellement, les activités les plus fréquemment exercées sont liées au développement de l’entreprise sur les réseaux sociaux (43% des entreprises), à la création de contenus web (39%) et au traitement des données digitales (38%). Elles correspondent aux fonctions suivantes : community manager, spécialiste des réseaux sociaux, directeur artistique digital, concepteur multimédia, web designer, data analyst, data scientist, etc. La création de contenus web, ainsi que le développement web, sont les deux activités les plus volontiers externalisées par les entreprises (42% et 40%).
Origine cantonale
Les collaborateurs du digital travaillent principalement dans les cantons de Vaud et de Genève. Un tiers d’entre eux provient de l’Union européenne ou d’un pays hors de l’UE. Ils sont âgés en moyenne de 35 à 40 ans. Les offres d’emploi confirment l’intérêt des employeurs pour les jeunes diplômés (42% des offres).
Les métiers du digital sont majoritairement exercés par des hommes (deux tiers selon l’estimation de l’enquête). Cette proportion rejoint celle des pays de l’OCDE : seuls 20 à 30% des emplois du digital sont occupés par des femmes et la proportion tend à diminuer, constate un rapport (15 c’est quoi ce 15 ?) de cette organisation.
Formation
La lecture des offres d’emploi montre que les prérequis de l’emploi digital ne sont pas encore très clairs : 47% des annonces recueillies ne formulent pas d’exigence en termes de niveau de qualification et 38% d’entre elles ne mentionnent pas de filière de formation.
Toutefois, les collaborateurs et collaboratrices du digital disposent en général d’un niveau d’études supérieur (formation supérieure, bachelor ou master). Si les offres d’emploi exigent très rarement un certificat fédéral de capacité ou une maturité, l’enquête quantitative laisse paraître une réalité différente : 23% des collaborateurs du digital possèdent une formation de ce niveau.
L’informatique et les technologies de l’information représentent des voies de formation majeures, mais la communication et le marketing digital sont tout aussi importants. Une demande de formations spécifiquement digitales transparaît dans certaines offres d’emploi, comme les filières en marketing digital, multimedia et design, ou digital sans autre précision.
Compétences sociales
Alors qu’on la croirait avant tout technologique, la transformation digitale exige plus que jamais de fortes compétences sociales et émotionnelles. Selon notre enquête quantitative, les entreprises romandes chercheront, ces trois prochaines années, des collaborateurs du digital ayant la capacité de comprendre le client et d’apporter des solutions nouvelles, tout en étant à l’aise avec les technologies de l’information. En termes de compétences techniques, les offres d’emplois expriment une demande de compétences en design, en traitement des données, en expérience utilisateur et dans les méthodes Agile*. La demande de spécialistes de la blockchain y est pour le moment très faible.
Difficile de trouver la perle rare
Trois quarts des entreprises ayant des activités digitales ont récemment recruté des professionnels du digital. Il s’agit principalement du secteur tertiaire et, en particulier, toujours selon les offres d’emploi, de sociétés de services en informatique, de services en digital et web et d’entreprises actives dans la communication et l’information, qui représentent, avec les sociétés de conseil, les principaux prestataires fournissant des services digitaux aux entreprises. Ces dernières externalisent en effet près du tiers de leurs activités digitales.
52% des entreprises ont éprouvé des difficultés de recrutement, en particulier en ce qui concerne les professionnels de la stratégie digitale et de l’analyse des besoins clients. Les grandes entreprises (plus de 250 collaborateurs) recrutent davantage par les canaux digitaux que les autres. Les plus petites entreprises privilégient le bouche-à-oreille.
Perspectives
Développement de l’emploi
La transformation digitale des entreprises est loin d’être achevée et le marché de l’emploi du digital est florissant : 88% des entreprises** de notre panel ayant déjà des activités digitales envisagent d’ouvrir des postes au cours des trois prochaines années. 73% des grandes entreprises pensent créer jusqu’à dix emplois, 14% jusqu’à cinquante.
Un déplacement de l’emploi du digital devrait se produire : les créations de postes promettent d’être tout particulièrement favorables à deux types d’activité, l’analyse des besoins clients couplée au développement de solutions digitales (selon 39% des entreprises), et la conception et la mise en œuvre de la stratégie digitale ensuite (plus de 30%). La gestion de la sécurité devrait également se développer (selon 30% des entreprises). Quant aux activités de gestion des médias sociaux et de développement web, activités digitales actuellement prépondérantes dans les entreprises, elles devraient perdre de leur importance au cours des trois prochaines années.
Organisation du travail
Corollaire de l’évolution des tâches et des compétences, les habitudes de travail se modifient. Davantage d’horizontalité dans les rapports de travail, des postes de travail mobiles et, par-dessus tout, une montée en puissance du travail en équipe. Mais l’évolution reste lente.
La formation : une clef de la transformation digitale
La formation est une clef de la transformation digitale, affirme un rapport de l’Office fédéral de la statistique. A ce jour, les formations digitales proposées par les hautes écoles romandes relèvent principalement de la formation continue. Certaines écoles privées proposent des bachelors ou des masters dans le digital. La numérisation touche par ailleurs fortement les formations, modifiant les usages et les métiers des ressources humaines.
Il sera également intéressant d’observer si les formations par apprentissage s’approprieront les formations digitales, pour le moment principalement du ressort des formations supérieures ; quant à la très intéressante tendance à former les collaborateurs au digital au sein même des entreprises, va-t-elle se confirmer ? L’une et l’autre formule de formation au digital contribueraient à élargir le spectre des professionnels digitalement compétents.
Méthodologie
Responsable d’étude indépendante, Marie-Josée Genolet a mené cette étude en avril dernier. Elle a envoyé un questionnaire à 538 directeurs et managers d’entreprises de tous les secteurs, mené 20 entretiens qualitatifs de responsables de conseillers à l’innovation ou en éducation et traité 200 offres d’emploi publiées entre juin 2017 et février 2018. [/ASIDE]