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Une agence, un jour : Sid Lee à Montréal

 Conceptualisée lors d’une ballade autour du Lac Léman par deux fondateurs de cette agence québécoise, la méthode Sid Lee – qui tient dans ces 4 mots – a été résumée dans l’ouvrage « Conversational Capital ». Eloge de la créativité commerciale qui cherche à maximiser l’expérience consommateur. Clients frileux s’abstenir !

Pas facile d’entrer dans cette ruche que représente Sid Lee à Montréal. Fidèle à son image de rebelle, cette agence ne s’est pas installée comme le reste de l’industrie de la publicité en haut du boulevard Saint-Laurent, mais a préféré la tranquille Rue Queen en contrebas du quartier des affaires, face au fleuve. Quelque 400 collaborateurs occupent deux étages du building sis au numéro 75. Après plusieurs tentatives et l’aide indéfectible de Julien de Preux (lire encadré), le rendez-vous est enfin pris avec Justin Kingsley, l’un des vingt-sept associés de l’agence.
La visite des lieux débute par le restaurant où les collaborateurs peuvent déjeuner gratuitement s’ils arrivent avant 9h du matin et dîner pour quelques dollars canadiens. Objectif : garder un esprit sain dans un corps sain. Avant de déambuler dans les bureaux dont les portes coulissantes sont des panneaux d’ardoise taggés à la craie, on passe devant une salle de conférence dont la porte a été dimensionnée à la taille d’un Hobbit. « C’est pour les remue-méninges, commente mon hôte dans son français québécois. Pour entrer on doit se plier, c’est la meilleure manière de conditionner son cerveau pour qu’il se mette à penser différemment. »
Qu’on se le tienne pour dit, ici on cherche à voir autrement, non par esprit de contradiction ou par opportunisme commercial, simplement parce que cela fait partie de l’ADN de cette agence. Une méthode qui, en vingt ans, a construit la légende et le succès de Sid Lee et qui l’a amené à ouvrir des agences à Toronto, Austin, Amsterdam, Paris et à travailler pour des clients dans 15 pays différents.

Des rêveurs organisés
Mais pour créative que soit l’agence, rien n’est laissé au hasard. Pour se mettre à la page, le premier jour du nouvel collaborateur débute par le passage dans la salle verte où il devra lire le livre de l’agence. Puis, il suivra pendant une semaine les cours de l’Université Sid Lee. Un peu comme les artistes du Cirque du Soleil, un client fidèle de l’agence, qui doivent s’imprégner de la méthode de Guy Laliberté. Car, comme le résume Justin Kingsley : « we may be stupid, but not crazy ». En effet, lorsqu’on gère des comptes pour des campagnes globales (Adidas, Fat Boy, RED, etc.) le droit à l’erreur n’existe pas. « Notre métier c’est la créativité commerciale, ce qui veut dire que le client doit également en avoir pour son argent. » Par conséquent les équipes interdisciplinaires (graphistes, webdesigners, architectes, storytellers, cinéastes, spécialistes du lieu de vente, etc.) sont toujours sous la responsabilité d’un account, d’un stratège et d’un directeur de création. « Avant de commencer, nous connaissons le temps et le coût réel de la campagne. Rien n’est laissé au hasard, sinon nous ne nous lançons pas. »
Une rigueur qui rassure le client, car pour ce qui est des idées ici on doit s’attendre à tout. « Toutes les marques ne peuvent fonctionner avec Sid Lee, précise sans ironie ce dernier. Notre devise c’est Fuck the Status Quo. A nous de trouver des solutions aux problèmes de nos clients. Ceux qui viennent nous chercher savent que nous ferons tout pour qu’ils se dépassent. Raison pour laquelle nous nous assurons qu’ils sont sur la même longueur d’onde que nous, sous peine de les refuser. »

Conversational Capital
Quel est le secret de cette agence ? L’expérience client qui débouche sur du bouche-à-oreille. A ne pas confondre avec du buzz ! Puisque le consommateur est devenu un expert, il faut générer des expériences tellement fortes qu’il ne pourra faire autrement que d’en parler à sa communauté. Et ces expériences ne sauraient se résumer uniquement à une campagne publicitaire dont la notoriété est uniquement liée à la pression médiatique.
L’effet recherché par Sid Lee est tout autre. Il passe par la création d’un produit ou d’un service unique qui engendre un rituel, qui propose des expériences sensorielles, qui réunit une communauté autour d’une promesse récurrente. Le Cirque du Soleil, la chaîne Starbucks, Red Bull, Google sont de parfaits exemples de marques iconiques.
Adidas illustre également cette démarche. Ici, le slogan « Impossible is nothing » est devenu « Adidas is all in ». D’icône inaccessible, elle s’est convertie en une marque trendy utilisant tous les codes des médias digitaux et en débouchant sur l’offre « My Adidas », un outil permettant de créer sa propre chaussure. Spot, site, vidéos, réseaux sociaux, événementiel, refonte des surfaces de vente, la liste des opérations de communication est longue.
Pour Fatboy et RED, des Boots Camps (incubateurs) créatifs ont été organisés à Montréal pour aider ces marques dans leur développement innovateur. Il en a été de même avec la société Botta qui avait acheté un bateau rouillé sur le Saint-Laurent et qui ne savait pas qu’en faire. In fine, cette péniche s’est transformée en SPA de luxe. Pour la Société des Alcool du Québec, une nouvelle classification des vins a été réinventée afin que le public peu aguerri à la classification par cépage puisse partir à la découverte du vin.
« Nous ne nous interdisons aucune idée. Nos poubelles sont pleines de bonnes idées. Toutefois, nous sommes toujours à la recherche de la grande idée qui fera toute la différence. C’est en cela que nous nous distinguons des autres. »

Victoria Marchand

 

Julien de Preux : Un Genevois chez Sid Lee
Il a débuté sa carrière d’Art Director chez Saatchi & Saatchi Genève puis, sentant la nécessité de tenter une expérience internationale, il est parti à Montréal où après un bref passage chez la mythique agence Cossette, il a réussi au bout de deux années à entrer chez Sid Lee en tant que Senior Creative. « Ici, le storytelling est roi et l’on cherche la créativité dans le business plutôt que dans les médias. Cela demande une grande expertise des supports on et offline, ainsi que la capacité de travailler avec des corps de métiers très différents. »
Y a-t-il une touche créative canadienne ? « Non, mais certainement une touche québécoise ! Je trouve qu’il a beaucoup de similitudes entre la Suisse romande et le Québec. » Et travailler chez Sid Lee, c’est comment ? « Très inspirant ! »

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