Swiss CEX 2017 study : Les entreprises suisses passées au révélateur de l’expérience client
Dans une époque plus consumer-centric que jamais, l’expérience client est une notion qui attire le regard des entrepreneurs issus de tous les secteurs en Suisse. Ils sont d’ailleurs près de 75% à penser qu’elle est importante pour leur entreprise. Mais quel est leur stade de maturité pour réellement intégrer l’expérience client à leur modèle d’affaires ? Quels sont les principaux défis rencontrés ? Découvrez en exclusivité les résultats de l’étude Swiss CEX 2017, co-réalisée par la société de conseils nexa et la Haute école d’économie de Zurich (HWZ).
Suscitant aujourd’hui de grandes attentes, l’expérience client apparaît comme un véritable levier pour la différenciation, le développement et la croissance des entreprises. En témoigne le graphique du cabinet d’étude Gartner (ci-contre), qui montre où se situent les trends technologiques clés dans leur phase de développement. Pourtant, ce concept n’est pas récent. Les premières études datent du début des années 80 aux Etats-Unis et la notion est plus précisément définie à la fin des années 90. Avec l’évolution des technologies immersives, elle prend aujourd’hui une toute nouvelle dimension.
Pour savoir où les entreprises suisses se situent en termes d’expérience client, nexa, une société de conseils dédiée à l’expérience client, et la Haute école d’économie de Zurich (HWZ) ont questionné près de 250 participants en ligne par le biais d’une auto-évaluation pour réaliser cette première édition de la Swiss CEX 2017 Study. D’entrée de jeu, la perception de l’importance du concept est largement démontrée chez les sondés. 75% des répondants ont estimés cette notion importante. En revanche, on observe une certaine différence entre les régions linguistiques, puisque seul 67% des participants suisses allemands l’ont estimé comme importante contre 83% des Romands. Signe d’un décalage ou d’une auto-critique plus forte chez nos voisins germanophone ? Difficile à expliquer… Mais les attentes placées dans ce concept sont clairement confirmées, puisque 96% des répondants ont exprimé que l’importance de l’expérience client va croître dans les trois prochaines années. Les entreprises suisses suivent donc le trend mondial.
Une problématique encore jeune
Pour corroborer ce constat, l’étude a observé que 74% des répondants envisagent des investissements dans ce domaine au cours des 12 prochains mois. Cependant, les défis qui se présentent face aux entreprises désireuses de se concentrer sur l’expérience client sont encore de taille. Sur le podium se trouvent le manque de vision (27%), le manque de processus (26%) et la culture d’entreprise (26%). Preuve que la problématique est encore naissante, ces difficultés sont profondes et en lien direct avec la gouvernance. En témoigne l’attribution de la responsabilité de l’expérience client à l’interne, puisque la direction semble jouer un rôle clé dans 43% des cas ; seules 26% des entreprises transmettent cette responsabilité à une équipe dédiée et 30% à des collaborateurs de différents départements. En Suisse alémanique, la propension à octroyer la responsabilité à une équipe dédiée ou à des collaborateurs de différents départements est plus forte (30% et 36%, contre 22% et 23% en Suisse romande). Néanmoins, elle reste l’apanage de la direction dans la majorité des cas (41%, contre 44% en Suisse romande).
Confirmant le fait que les entreprises qui ont confié l’expérience client à une équipe interne sont plus sensibles à cette problématique, les budgets annuels qui lui sont attribués ont tendance à augmenter lorsque la responsabilité est distribuée. Cependant, rares sont les entreprises qui prévoient un budget annuel allant au-delà des 100’000 francs. Mais au fait, quelles sont les raisons qui poussent à investir dans l’expérience client ? Les trois principales invoquées sont la satisfaction (94%), la fidélisation (93%) et l’acquisition de nouveaux clients (93%). Cela dit, la croissance du chiffre d’affaire tout comme la différenciation de la marque restent des motifs importants d’investissement pour les entreprises (respectivement 92% et 86%). Les motivations d’investir sont d’ailleurs le reflet des priorités 2018 des entreprises en termes d’expérience client, puisqu’on y retrouve l’analyse et la connaissance du client (40%), le développement de produit & proposition de valeur (32%) et la technologie (32%). La culture d’entreprise et organisation (32%) ainsi que la mesure et l’évaluation de l’expérience client (29%) occupent également des places importantes dans ces priorités 2018, notamment chez les Romands. Les attentes placées dans cette démarche semblent donc concerner également les entreprises suisses et sont la démonstration que l’expérience client touche tous les départements. Comme le montre le Hype Cycle de Gartner, les grandes tendances s’installent dans la durée une fois atteint son plateau de productivité. Toutefois, le chemin est encore long. Les prochaines éditions de la CEX study nous en apprendront davantage sur le développement de l’expérience client en Suisse.
[ASIDE]Interview d’Anne-Laure Vaudan, Fondatrice et Managing Partner chez Nexa
Quelle est votre définition de l’expérience client ?
L’expérience client est l’ensemble des interactions du client avec la marque, sur tous les points de contact, comprenant tous les canaux, avant, pendant et après l’acte d’achat.
On observe des défis de taille qui se dressent face aux entreprises suisses pour intégrer complétement l’expérience client dans leur culture. Comment expliquer ces défis ?
Les trois principaux défis cités sont le manque de vision, le manque de processus et le manque de culture d’entreprise. Ce qui frappe, c’est que ces défis interviennent souvent au tout début d’une démarche d’expérience client. Les entreprises entendent toujours plus parler de cette notion aujourd’hui. Elles ont conscience de la nécessité de se recentrer sur le client avec les bénéfices que l’on peut espérer en termes de différenciation et d’impact sur la marche des affaires. Ce changement de paradigme prend énormément de temps et touche de manière transversale tous les départements de l’entreprise, du directeur au collaborateur en lien direct avec les clients. Il s’agit aujourd’hui de savoir quelle expérience est vécue, de définir l’expérience souhaitée et de faire en sorte de la rendre homogène du début à la fin.
Quelles solutions mettre en place pour surmonter ces défis ?
Les solutions pour surmonter ces défis sont différentes en fonction du degré de maturité des entreprises par rapport à l’expérience client. Pour quelqu’un qui partirait de zéro, je proposerais de procéder en quatre étapes. La première serait d’abord de comprendre ses clients, d’identifier l’expérience vécue et de savoir l’expérience qu’ils souhaitent avoir avec la marque. Cela implique l’analyse des données, la réalisation de sondages, des réflexions en interne avec les collaborateurs et finalement des interviews qualitatives avec des clients. Car l’erreur la plus souvent commise par les entreprises est justement de ne pas aller à leur rencontre ! Une fois l’expérience actuelle définie, il s’agit de savoir, dans un deuxième temps, quelle est l’expérience que l’on souhaite proposer. On arrive alors à la troisième étape, où il s’agit de définir une stratégie qui corresponde à l’expérience souhaitée. À ce stade on définit aussi les leviers à activer pour mettre en œuvre la stratégie, qu’il s’agisse de technologie, de processus, de ressources humaines et financières, de données, etc. Il est aussi important de définir des KPI permettant de mesurer la démarche et d’en évaluer le succès. Enfin, la quatrième étape, qui est bien souvent sous-estimée, est d’accompagner le changement. Cela peut par exemple se faire en dédiant une équipe à la bonne application des initiatives. Il est en tous cas essentiel qu’une personne ait constamment une vision globale de la situation, qu’elle en suive l’évolution et définisse d’éventuels ajustements. Au vu des résultats de notre étude, nous pouvons estimer qu’il reste un fort potentiel pour gérer une démarche d’expérience client de manière structurée et globale au sein des entreprises suisses.
Les entreprises semblent être désireuses d’investir dans l’expérience client au cours des prochaines années. Quelle est la part de l’humain et de la technologie dans ces investissements ?
Trop souvent, les entreprises confondent l’expérience client avec l’ajout de technologie. Comme dit précédemment, il s’agit d’abord de comprendre l’expérience que l’on souhaite proposer, pour ensuite chercher les outils adaptés. D’ailleurs, on observe bien dans les priorités 2018 que les entreprises sont d’abord concernées par l’analyse et la connaissance de leurs clients. Se concentrer complétement sur son client relève de la culture d’entreprise et il y a une certaine prise de conscience en ce sens, car les entreprises sont ouvertes à former leurs collaborateurs et à engager de nouvelles personnes pour parfaire leurs compétences.
L’homogénéité et la cohérence sont in fine les objectifs d’une expérience réussie. Les évolutions technologiques de ces dernières années permettent aujourd’hui de les atteindre plus aisément. Prenons un outil CRM, il est aujourd’hui indispensable. Sans cet outil, qui apporte une vision 360° des clients, il n’est pas possible de gérer globalement les interactions. Mais il est essentiel de garder à l’esprit que l’humain est au centre de l’expérience client. Il la génère lorsqu’il est en position de client, il la délivre lorsqu’il interagit avec un client et il lui donne du sens lorsqu’il l’analyse.
Que dire du degré de maturité des entreprises suisses ?
Il n’est pas toujours évident de savoir comment s’y prendre pour débuter dans l’expérience client et les résultats de l’étude montre que les choix sont davantage d’ordres tactiques que stratégiques. Les petites entreprises, comme les très grandes, montrent plus de maturité que les entreprises de taille intermédiaire. Les premières, car elles ont un besoin de se différencier et un modèle souvent basé sur les nouvelles technologies. Les secondes, quant à elles, ont les moyens et une longueur d’avance qu’elles ne comptent pas laisser filer. Le degré de maturité des entreprises suisses laisse entrevoir un fort potentiel de développement et il ne fait aucun doute que le thème de l’expérience client gagnera en importance dans les années à venir.
Retrouvez le rapport d’étude complet sur http://www.nexa.ch/swiss-cex-study-2017
[/ASIDE] [ASIDE]Réactions de Felicitas Morhart, directrice et professeure du département de Marketing de l’Université de Lausanne (UNIL)
Pour aller plus loin, nous avons voulu confronter les trois résultats marquants de cette étude ainsi que la définition de l’expérience client au monde académique en les proposant à Felicitas Morhart, directrice du département de Marketing de l’Université de Lausanne (UNIL) connue pour sa récente publication au sujet de Chaplin’s World. Dans ses recherches, la professeure cherche à savoir comment les entreprises peuvent, au-travers de leurs activités de marketing et de branding, créer du sens et du bien-être pour leurs clients, collaborateurs, managers et pour la société.
Quelle est votre définition de l’expérience client ?
L’expérience client est définie par ce que le client vit à chaque point de contact avec l’entreprise, comprenant toutes les étapes du cycle d’achat (avant-vente, vente, consommation, après-vente, etc.). Cette expérience peut être gérée en très grande partie par les entreprises en assurant que les expériences à ces touchpoints sont fluides (par exemple avec la navigation sur le site web), personnalisées (p. ex. grâce à un système CRM bien organisé), homogènes (p.ex. par le comportement des employés et l’ambiance multi-sensorielle), et bien intégrés (p.ex. par l’intégration du digital et des canaux offlines).
Pouvez-vous commenter les trois résultats marquant la Swiss CEX study 2017 ?
Importance de l’expérience client :
Il est assez alarmant que seulement 75% des répondants aient trouvés l’expérience client importante ou très importante. Même les institutions publiques telles que les hôpitaux, les bureaux gouvernementaux, les administrations, les ambassades et les universités repensent leurs processus afin de rendre l’expérience client plus fluide et conviviale. L’expérience client peut être un puissant facteur de différenciation.
Défis rencontrés par les entreprises :
En ce qui concerne les défis, le manque de vision (27%) et le manque de culture (26%) soulignent l’importance d’avoir une bonne attitude au niveau de la direction, à savoir une orientation marketing générale et non pas uniquement basée sur les ventes, et surtout, de l’empathie et un réel intérêt pour le client. Le manque de processus survient comme une conséquence logique de ce manque de comportement orienté vers le marketing général, car si la direction ne voit pas la nécessité de gérer correctement les points de contacts avec le client, elle n’investira dans aucun processus soutenant et améliorant ces touchpoints.
Priorités 2018 :
Le fait que l’analyse et la connaissance du client soit vu comme point le plus important par rapport au développement de produits est un signe que les participants à l’étude ont fait leurs « devoirs » en termes de marketing au cours des dernières années. La connaissance du client doit venir en tout premier, avant même le développement de produit. Les clients n’achètent pas de produits, ils achètent ce qu’ils peuvent faire avec ! Il est donc essentiel de connaître en premier lieu les besoins et les motivations des clients.